Je me souviens parfaitement du jour, de l’heure, et de la minute où j’ai appris le nom du successeur de Jacques Chirac. Les premières estimations circulaient sur Internet, et nous savions déjà que Nicolas Sarkozy allait largement remporter le second tour. La journée était chaude et ensoleillée, nous venions de nous balader dans Paris et j’avais ma langue dans la bouche de Snooze. D’anciens voisins criaient leur joie de leurs fenêtres. On entendait ça et là que les fainéants allaient enfin se mettre à bosser, que Nicolas était le plus fort et que Ségolène était une salope. Un peu violent le voisinage du douzième arrondissement. Vint ensuite la période décomplexée où le pouvoir changeait de main, et où on le faisait savoir. Terminée la gestion timide et discrète à la grand-papa, le pays allait enfin avoir à sa tête un homme jeune, dynamique, hyperactif, capable de réveiller un Etat endormi depuis trois longues décennies, et surtout de faire passer les réformes dont la France avait cruellement besoin. Son équipe marchait sur l’eau. Constituée de nouvelles têtes, elle allait très certainement donner un nouveau souffle aux institutions. Culture, finesse et savoir vivre n’étaient pas nécessaires pour gouverner efficacement un pays.
Grandes réceptions, vacances au soleil, paillettes et clinquant: tous les clichés y sont passés. Que le président et son entourage affectionnent yachts, palaces et autres produits inaccessibles pour le commun des mortels ne m’a jamais choqué. Cependant, le milieu professionnel dans lequel j’ai la chance d’évoluer m’impose de déclarer immédiatement tout conflit d’intérêt, même le plus mineur. Je ne suis pas certain que les largesses proposées par les amis industriels et patrons de presse proches du pouvoir soient véritablement compatibles avec l’idée que je me fais de l’éthique et de la morale, sans toutefois tomber dans un excès de démagogie ou de puritanisme primaire. La base modeste et populaire, principalement responsable de son élection, a ainsi vite déchanté. Les erreurs de communication se sont succédées, laissant supposer que le Président vivait dans une tour d’ivoire, bien loin des préoccupations, ne pensant qu’à son confort personnel, son divorce, son mariage, et surtout à détricoter l’ensemble du parapluie social voté avant 2002 pour satisfaire ses amis du MEDEF.
Le bilan des lois votées est plus préoccupant. Le bouclier fiscal et la libéralisation de l’économie n’ont eu aucun effet direct sur l’emploi et la vie quotidienne des ménages. Ces lois n’ont fait que de creuser le déficit chronique du budget de l’Etat. Les plus pauvres sont mis une nouvelle fois sous perfusion, et la classe moyenne est saignée à vif, en servant encore et toujours de vache à lait. La dette augmente dramatiquement, jours après jours, pour atteindre plus des deux tiers du PIB. Si l’État était un particulier, il serait depuis longtemps en faillite.
La fameuse crise économique a ensuite frappé à notre porte après deux années d’errance gouvernementale. Le ministre de l’économie a tout d’abord tenté de nous faire une nouvelle fois le coup de Tchernobyl. La crise était uniquement due au surendettement des salauds de pauvres américains. L’Europe et la France étaient à l’abri du Tsunami financier. Christine Lagarde s’est une nouvelle fois montré peu visionnaire. Les banques, assurances et autres institutions françaises possédaient de nombreux produits vérolés, et les prévisions de croissances allaient se révéler être une nouvelle fois trop optimistes. La récession allait être pire que celle causée par le premier choc pétrolier il y a plus de trente ans. Nous n’en sommes malheureusement qu’aux prémices. L’atterrissage risque de ressembler à un crash. Le plus amusant est de constater que l’ensemble des lois sociales dont nous bénéficions, et qui sont la cible de l’équipe au pouvoir, ont permis d’adoucir considérablement l’impact de la récession.
Il y a quelques jours de cela, j’ai parcouru un article reprenant point par point ce que je pensais de la politique économique et sociale menée par la majorité présidentielle. L’agence Reuters a ainsi publié la dépêche suivante:
Les réformes économiques et sociales de Nicolas Sarkozy ont échoué et placeront la France d’après-crise dans une position pire qu’auparavant, estiment les économistes Pierre Cahuc et André Zylberberg. L’incapacité de l’exécutif à moderniser le marché du travail, la démocratie sociale ou les institutions se traduit par une perte de compétitivité de la France et un creusement de ses déficits, expliquent-ils dans un entretien à Reuters.
« C’est raté. Les réformes dans le domaine économique et social sont ratées », juge André Zylberberg, directeur de recherches au CNRS et membre du Centre d’économie de la Sorbonne et de l’Ecole d’économie de Paris. Des régimes spéciaux de retraite au Revenu de solidarité active, en passant par la représentativité des syndicats, la ‘flex-sécurité’ ou la grande distribution, chaque réforme a été une occasion manquée, compliquant la réglementation au lieu de la simplifier et augmentant les coûts au lieu de les réduire, estiment les deux économistes qui publient « Les Réformes ratées du président Sarkozy » mercredi chez Flammarion. En cause, le recul d’un pouvoir trop pressé d’afficher des succès devant ceux dont les intérêts étaient menacés.
« Ce qu’il en ressort, c’est que les soi-disant réformes sont purement des affichages de réformes et que sur le fond, on a régressé », ajoute André Zylberberg. Alors que le gouvernement répète qu’elles ont permis à l’économie française de résister et que leur poursuite permettra de « sortir plus fort » de la crise, aucun des points faibles de la France n’a été corrigé, déclarent ces économistes.
Qualité de la démocratie
« A la sortie de cette récession, on sera toujours dans un environnement qui ne permettra pas de dégager une efficacité économique comparable à celle des pays vertueux » comme ceux du Nord de l’Europe, estime Pierre Cahuc.
« On aura un taux d’emploi des seniors très faible, les mêmes difficultés pour les personnes en recherche d’emploi, une structure de prélèvements obligatoires problématique, un appareil de démocratie sociale qui fonctionne mal, idem pour la démocratie politique », ajoute ce professeur à Polytechnique, chercheur au Centre de recherche en économie et statistique (Crest) et membre du Conseil d’analyse économique.
La grande erreur de Nicolas Sarkozy, expliquent-ils, est de ne pas avoir fait en sorte que les syndicats représentent vraiment les salariés et de ne pas avoir renforcé le Parlement en lui donnant des moyens supplémentaires et en interdisant le cumul des mandats qui parasite son fonctionnement.
« Quand on regarde les pays qui ont réussi à mettre en oeuvre des réformes profondes, structurelles, on s’aperçoit que ce qui compte, c’est la qualité des institutions, la qualité de la démocratie sociale et politique », explique André Zylberberg. Or, dit-il, « dans les classements internationaux, par rapport aux grandes démocraties, la France est toujours très loin derrière, autour de la trentième place ». Pour le taux de syndicalisation, la France est dernière de l’OCDE avec 8%.
Pressé d’afficher des succès, l’exécutif a accordé une grande place aux négociations entre partenaires sociaux. Si ces derniers parvenaient à un accord, il s’est engagé à le transposer dans la loi. Quitte à abandonner quelques objectifs initiaux des réformes.
Un problème de crédibilité
« La méthode a consisté à saturer les différents adversaires ou partenaires, suivant les cas, sous une avalanche de réformes et, si jamais ça coinçait sur un point : céder », poursuit André Zylberberg. « La réforme de la représentativité syndicale est loupée » et « la réforme de la démocratie politique avortée ». Selon Pierre Cahuc, « tous les groupes dont les intérêts étaient touchés par les réformes ont très vite compris que ces réformes n’étaient pas une si mauvaise nouvelle pour eux et peut-être même une très bonne nouvelle, ça permettait de renforcer les avantages ».
En manifestant le 19 mars, après la mobilisation du 29 janvier, les syndicats montrent qu’ils ont compris le message. « Tant que les différents groupes pourront appliquer cette méthode, ils ne vont pas s’en priver », dit André Zylberberg. La crise, ajoutent-ils, masquera l’échec des réformes mais ses conséquences seront là quand l’économie repartira.
« Les pays qui ont de bonnes performances économiques ont mené des réformes importantes que Nicolas Sarkozy avait annoncées et qu’il n’a absolument pas menées. Il a même contribué à dégrader la situation. Donc on va ressortir plus mal que si monsieur Sarkozy ne s’était pas occupé de ces domaines », ajoute Pierre Cahuc. Alors que la France veut contribuer à réformer le capitalisme, « on peut douter de sa capacité à le faire, on peut douter de sa crédibilité », poursuit Pierre Cahuc.
« Quand on voit la réussite qu’on a eue pour réformer en France, on peut avoir des doutes sur le fait d’espérer beaucoup plus des efforts de l’équipe de Nicolas Sarkozy pour réformer le capitalisme mondial. »
En conclusion, l’Etat semble bien curieusement géré et les principes de liberté, égalité et fraternité semblent être souvent bafoués. Les décisions paraissent instinctives, prises au coup par coup, non réfléchies, et semblent issues de la volonté d’un seul homme. Ces décisions ont un impact direct sur le quotidien de millions de personnes. Je ne vais pas revenir sur l’ensemble des provocations perpétré à l’encontre des pédégouines (et toutes autres minorités visibles), ni sur l’apartheid social dans lequel nous vivons. Il ne faut pas seulement penser avoir la poigne et les compétences pour diriger un pays. Faut-il encore avoir le courage de tirer les conséquences de ses actes et rendre des comptes à la Nation. Peut-on décemment penser qu’un président de la République ne puisse être sous le coup de la loi et ne pas être jugé pour gestion calamiteuse de l’Etat ?
A un moment ou l’ensemble de la population semble déboussolé et qu’il n’existe finalement aucune alternative crédible à la gouvernance proposée par le parti au pouvoir, et même si je pense être protégé et privilégié à la fois, je me sens comme perdu. Droite et gauche, tous coupables et responsables ? Nous qui nous moquions il y a peu de Georges Bush et de Silvio Berlusconi.
Mais n’ayons pas peur. Christine prédit un retour à la normale pour 2010, et Nicolas risque d’être réélu en 2012 pour accomplir d’autres grandes réformes. 8?
Prem’s!!
Comme toi, je suis paumé… Mais qui pourra nous sauver?? Ségolène ou Olivier ? :laugh_tb:
ah non alors, pas lui une deuxième fois ! J’en frissonne…
« On entendait ça et là que les fainéants allaient enfin se mettre à bosser, que Nicolas était le plus fort et que Ségolène était une salope. Un peu violent le voisinage du douzième arrondissement. »
Comme quoi selon les régions on entend pas vraiment la même chose, dans ma bretagne natale c’était de la déception en long, en large et en travers.
Bon quote en tout cas, l’analyse de Reuters est tout simplement lumineuse.
Je savais pas que je kiffais Reuters à ce point là…
Les réformes de Sarko et les armes de destructions massives de Bush (narf..)ont un peu le parfum du même combat…
Une question pour finir:
Contrat signé entre Sarko et ses électeurs (dont j’ai été) avec obligation de résultats affichés au programme (narf…) ?
La crise sera une belle excuse, mais Christine la voit s’effacer vite, tu le dis :mad_tb:
Dis moi roidetrefle, il ne t’est jamais arrivé de vouloir publié quelques-uns de tes articles ?? :jittery_tb:
C’est vachement bien écrit et tu pourrais éventuellement concurrencer d’autres auteurs ^^
En tout cas, pauvres de nous… pour 2012 :mad_tb:
Il s’y prend mal le Nico. :king_tb: Il n’est pas calé au niveau de la fonction, il est un peu énervé, pas crédible car menteur! :blink_tb: A la bonne heure me direz vous! Il y en a eu d’autres avant lui. Mais LUI, il se fout ouvertement de la gueule du peuple. Et il ne s’en cache pas, d’ailleurs c’était son dada ça « Avant ça se faisait mais on le disait pas, avec moi plus d’hypocrisie! » :huh_tb:
Oui mais voilà, le peuple il sait bien que grosso merdo il se fait entuber régulièrement. Il n’est pas si pôv’con que ça, mais bon, à force il s’y fait. :bye_tb: Pas qu’il aime ça! Non, non, non! :clap_tb: Mais il a sa fierté tout de même, le peuple. Faudrait pas non plus qu’on se foute de sa gueule publiquement! Nan de dieu, ça va chier! :devil_tb:
Et pourquoi JM il a le même avatar que moi?!! :blink_tb:
Remarque il est moche cet avatar (pas toi JM!!!)
Tu peu xm’en donner un autre stp monsieur roidetrefle?
Effectivement, malgre tout, Sarkozy semble avoir encore ses chances pour 2012. Mais 2012, c’est encore loin! D’ici la, beaucoup de choses peuvent arriver… Qui sait, peut-etre que le PS parviendra a se relever d’ici la? J’hesite: Martine 2012 ou Benoit 2012? :jittery_tb:
Aaaaaaah, il ne faut pas penser à ça. Non. Qui va nous sauver, hein???? Il faut chanter et s’amuser. Maintenant qu’on sait, vraiment bien, bien quel grand piège s’est refermé sur nous, autant rire, non?
Non. Pas bien. Pas citoyen.
Mais que faire, hein?
Mais bine sûr qu’il pense à 2012 et depuis le début. On peut lui repprocher tout ce que l’on veut mais pas d’être bête et fin tacticien. D’ici 2012, il va nous faire un sarko junior franco/italien voir comme son pote Johnny se lancer dans l’adoption.Comme ça il va pouvoir attendrir le bon peuple avec des reportages Sarko et la layette, Sarko donne le biberon et trimbale la poussette… Mais qui pour le remplacer ? Olivier, les extrêmes c’est toujours dangereux. Ségo ? Elle adopte de plus en plus la com people de Sarko mais en se plaignant et c’est gavant. Et puis par pitié que son coach lui apprenne à choisir ses mecs non parce que franchement… Martine ? Bah certainement intelligente mais un charisme de vendeur de voiture… C’est la chianlit ma bonne dame. Aux armes citoyens. Le 14 juillet 2009 ça sonne bien comme date non ?
je ne m’y connais absolument pas assez en politique pour me permettre de réagir en accord ou en désaccord avec tout ça.
La seule chose pour laquelle j’ai une petite opinion, et encore je n’y connais pas grand chose non plus, ce sont les syndicats. Pour avoir évolué dans plusieurs sociétés au cours de ces 7 dernières années, j’en ai croisé quelques uns.
Je ne vois pas trop comment, dans l’état actuel des choses, l’exécutif, le législatif ou le judiciaire pourraient faire « en sorte que les syndicats représentent vraiment les salariés ». Les syndicalistes que j’ai vus se posent tous en « anti patronnat » et pas assez en « pro salariés ». J’ai eu la malchance de ne voir, quasiment que des grandes gueules, pas les meilleures dans leurs fonctions, agir en vipères… Ce genre de comportement n’est profitable pour personne. Personnellement, je crois que les syndicats se décrédibilisent tout seul depuis plusieurs années. On a besoin de syndicats, mais avec des personnes compétentes dedans…
(me frappez pas, hein, c’est juste la vision que j’ai)
@ Polyphème: Aucun des deux, entre la peste et le choléra. :blink_tb:
@ Saperli: A moins d’un putsch. :mad_tb:
@ Kévin Hinault: Mes voisins étaient vraiment très heureux. Ils sont certainement partis vers la place de la Concorde pour applaudir les grandes vedettes de la chanson un peu plus tard. :blink_tb:
@ Pedronzeweb: Les obligations de résultat me semble être à sens unique. Certains semblent dispensés. :devil_tb:
@ JM: On ne sait jamais pour 2012, même si un Obama à la française à peu de chances de percer d’ici là. :thumbdown_tb:
@ MarcelD: Vi, ça va chier grave. Pour l’avatar, j’essaye de modifier tout ça. :bye_tb:
@ Jujupiter: Martine 2012 ou Benoit 2012? Euh, bah, là, maintenant… :blink_tb:
@ Fanette: Oui, tu as raison, autant faire la bringue! :king_tb:
@ Christophe: Personne n’a les épaules assez solides pour le remplacer à l’heure d’aujourd’hui. Et je ne fais aucune différence entre l’extrême droite et l’extrême gauche. :blink_tb:
@ Alexandre: Non, tu as également raison. Certains syndicats défendent systématiquement leurs troupes, bonnes ou mauvaises. J’ai l’impression qu’ils tentent de sauver les meubles en brûlant la maison. :huh_tb: