Je fourmille d’idées fantastiques qui se révèlent être vraiment très foireuses avec le temps. Je me souviens encore de la façon avec laquelle j’ai convaincu Snooze de se lancer dans les travaux pharaoniques d’aménagement de notre ancien appartement situé dans le douzième arrondissement. Je vivais alors dans un rez-de-chaussée sur cour lumineux d’une trentaine de mètres carrés. L’espace était idéalement réparti entre un salon-chambre-bureau-salle-à-manger-bibliothèque-dressing, une entrée, une salle de bains et une cuisine relativement spacieuse. Snooze venait de me rejoindre et nous commencions salement à nous sentir à l’étroit. Dieu m’est soudainement apparu et m’a convaincu d’investir l’appartement jumeau mitoyen. Rien de plus simple car le locataire allait prochainement partir et l’immeuble tout entier appartenait au même propriétaire. Il suffisait donc de le convaincre de me faire confiance et surtout qu’il allait faire une sacrée affaire avec mon idée : réunir les deux appartements, rénover toutes les pièces et peindre les murs d’un blanc immaculé, rénover les parquets, refaire l’électricité, modifier une entrée en un petit bureau, déplacer des cloisons et surtout transformer une cuisine en salle de bains. Pourquoi faire autant de travaux à nos frais et ne pas rechercher un appartement plus grand ? Tout simplement parce que nous nous sentions vraiment très bien dans notre immeuble, chouchoutés par notre concierge (même si parfois un peu envahissante et commère comme toutes les concierges). En repensant à cette histoire, nous étions quand même bien cons et naïfs.
La raison première était également financière. Nous allions nous retrouver avec un appartement de cinquante-cinq mètres carrés, refait à neuf, dans l’ancien, jouir d’une cour verdoyante ensoleillée et protégée du vent (le précédent locataire y faisait pousser un champ de beuh) presque privative pour sept cent cinquante petits euros mensuels, eau, chauffage et concierge compris. L’idée principale était d’économiser sur le loyer et mettre de l’argent de côté pour un futur achat. Le propriétaire s’engageait également à ne pas nous augmenter le loyer pendant six années. Nous nous engagions de notre côté à faire appel à un architecte et de faire réaliser les travaux par l’entreprise en charge de la rénovation der tous les appartements de l’immeuble, entreprise crée et dirigée par le neveu de notre concierge. Le budget était donc plus que conséquent car il comprenait électroménager et nouveaux meubles. Monsieur Da Silva, entrepreneur qualifié (sur le papier), nous avait promis deux ou trois mois de travaux. Il était fier comme Artaban car il venait de refaire la cuisine d’un animateur de la télévision, un certain Ouizzmanne (nous avons compris au bout de quelques semaines qu’il s’agissait d’Ariel Wizman). Deux mois en hiver étaient une partie de rigolade. Nous avions prévu de partir quinze jours au Canada. Seules six petites semaines allaient donc être compliquées à gérer. Il ne fallait pas perdre de temps et faire le tour des boutiques pour commander nos meubles avant de se faire prendre par la période des fêtes.
En revenant du Canada, les travaux n’avaient toujours pas commencé. Monsieur Da Silva nous expliqua qu’il avait été retardé par un autre chantier. Il allait cependant tout faire pour rattraper le retard en travaillant même le week-end. Refaire les plâtres en hiver s’est révélé suicidaire. Les murs ne séchaient pas, il était donc impossible de les peindre. La première étape (nouvelle chambre, bureau et salle de bains) a pris plus de trois mois. Entre temps, électroménager et meubles ont été livrés, puis refusés, car nous n’avions pas la place de les stocker. Nous avons transféré une partie de nos meubles dans la nouvelle partie pour laisser le champ libre aux ouvriers. Nous vivions alors comme à l’hôtel, dans une grande chambre cosi, une entrée dressing et une salle de bains dont nous étions très fiers : parquet bateau en teck, grands carreaux blancs, baignoire spacieuse, salle de bains idéale pour la pétasse qui sommeillait en moi (et qui sommeille toujours d’ailleurs). Le reste des meubles, accessoires divers et vêtements avaient été dispersés dans sept caves mises gracieusement à notre disposition par la concierge. Une cave avait été transformée en réserve à nourriture, une en bureau et une autre en mini dressing. Un des points négatifs, et ils étaient nombreux, était l’accès aux toilettes. Les cabinets étaient situés dans l’autre partie et seulement accessibles, semaine et week-end, avant huit heures le matin et après huit heures le soir. La grosse commission était donc problématique, le pipi nocturne également car il fallait sortir dans le couloir de l’immeuble et pénétrer par une autre porte d’entrée (les deux appartements ont été réunis au dernier moment). Oui, j’ai frôlé l’occlusion intestinale. Oui, mes intestins ont souffert.
Les week-ends étaient cauchemardesques. Les ouvriers ramenaient leurs amis et se servaient d’une partie de notre appartement pour jouer aux cartes et se torcher au gros rouge qui tache. Une fois l’ouverture percée, seule une bâche transparente séparait les deux parties. Il était donc fréquent de se retrouver (un peu) dévêtu devant l’équipe en charge de la rénovation. La partie rénovée sentait un mélange de peinture et de tabac froid en permanence et nous avions pris l’habitude de dormir la fenêtre entrouverte (entre janvier et avril). Entre temps, j’avais pris l’habitude d’uriner dans de grosses bouteilles de deux litres et les planquait sous un banc dans la salle de bains, au grand dam de Snooze qui commençait à trouver ma collection de pipi millésimé un peu embarrassante.
Tous les prétextes étaient bons pour retarder les travaux. Dès que nous lâchions prise, nous prenions une semaine de retard. Nous avions été assez naïfs pour faire confiance à l’entrepreneur, sans imposer la moindre pénalité de retard sur le devis. Ce fut la première chose à laquelle nous avons pensé lorsque nous avons fait rénover notre appartement actuel. Une fois pris dans l’engrenage, nous étions cuits. Ce crétin de Da Silva savait parfaitement que nous étions dépendant de sa bonne volonté et surtout que nous n’avions aucun moyen de pression. Il pouvait ainsi allègrement engager une partie de ses équipes sur un autre chantier et retarder encore plus la fin de nos travaux. Il s’amusait également à rallonger la note. De nombreuses choses imprévues se sont greffées à la facture qui a quasiment doublée, proportionnellement au temps passé sur place. Entre temps, son fils tomba malade, sa femme eut une crise d’herpès, son chien des vers au cul et la terre trembla trois fois. Nous avons petit à petit commencé à montrer les dents et à le menacer de ne plus le payer. Il ne restait plus que la cuisine à terminer et nos menaces ont été efficaces. Quelques jours seulement.
Nous étions début avril. Les travaux avaient commencé en octobre, soient six mois plus tôt. Snooze et moi étions au bord du gouffre et du divorce. La vérité n’était pas au bout du couloir, ni la fin des travaux. Quelques jours après s’être enfin attaqué à la cuisine, l’impensable arriva. La mère de Monsieur Da Silva décéda au Portugal. Le chantier fut stoppé pendant trois longues semaines. Nous avons ainsi appris que sa famille était très pieuse et que trois fichues messes étaient programmées avant d’enterrer définitivement la sainte femme et que son fils termine enfin notre jolie cuisine laquée rouge. Les travaux prirent fin deux semaines après le retour du fils prodige, sept mois après avoir débuté. En mai, notre connasse de voisine du dessus et accessoirement cousine de Monsieur Da Silva fut responsable d’une inondation et niqua la jolie laque de la cuisine. Monsieur Da Silva n’avait également pas pensé à isoler les fils électriques du four, directement en contact avec l’hélice de ventilation de l’appareil. Après la chaise électrique, le four meurtrier de ménagère venait d’être inventé.
Nous vécûmes moins de trois petites années dans notre nid d’amour pour finalement partir sur un coup de tête et acheter un appartement atypique, plein de charme(s) et de potentiel non loin du Canal Saint Martin en pleine bulle immobilière. Nous avons beaucoup appris et surtout compris que si notre couple avait résisté à une telle épreuve, il allait certainement durer très longtemps (même si mon mari est vraiment très chiant, si je suis un homme parfait et modeste et si ma patience à des limites).
La morale de cette histoire est donc la suivante : Avant de s’installer en couple, il est nécessaire de faire appel à Monsieur Da Silva pour tous travaux de rénovation. :clap_tb:
Entièrement d’accord, un couple qui traverse ça peut tout endurer (ou presque!!).
Depuis, il est devenu chanteur, et il emmerde les gens différemment :thumbup_tb:
Oui mais non, sa mère à monsieur Da Silva ne peut pas remourir une deuxième fois pour avoir ses trois messes et retarder les travaux! :clap_tb:
Et pourquoi dis-tu que la pétasse sommeille en toi? :blush_tb:
« La vérité n’était pas au bout du couloir » ? ! ? rhooooo…
Non content d’illustrer tes propos àl’aide d’une iconographie Valérie-Damidotesque (Damidotienne ? Damidotique ?), je constate que tu fus aussi un adepte de « Y’a que la vérité qui compte » des inénarrables Bataille-et-Fontaine.
Chuis pas sûr que ce soit très bon pour ta réputation, ça… :thumbup_tb:
Tu m’étonnes, ça c’est du crash test…
« j’avais pris l’habitude d’uriner dans de grosses bouteilles de deux litres et les planquait sous un banc dans la salle de bains »
Et tu n’as même pas laisser trainer une bouteille pour ces ouvriers si consciencieux ?? :blink_tb:
Tu aurais pu leur en laisser une ou deux bouteilles commes souvenirs non ?! Vilain :clap_tb: !!
Un cauchemar !
Tu me traumatises pour la journée avec tes histoires de travaux !
J’aime bien quand une conversation du dimanche après midi se transforme en post du lundi soir.
(PS : L’impasse de la bataille ne sera pas notre nid d’amour, nous avons mouché la mégère)
C’est pas très sympa d’apprendre ça à Matoo et Colin APRES leur installation.
(Pour le reste, en tant que moitié de très vieux couple, je confirme que ce que tu dis relève de la sagesse des nations).
J’ai une question à 100 balles (et voilà comment on révèle qu’on a bien connu le Franc!):
comment fais-tu pour changer sans cesse de bannière? Note bien, j’aime assez. Seul souci, c’est quand ta copine (tu vois qui?) te dis « je vais te montrer » et que l’image en haut, ben elle est plus là…. Comment ça ma question elle a rien à voir avec le billet?
bon je signe tout a l’heure le bail avec Rem, vite son numéro de tel a da silva que je contrôle! :laugh_tb:
@Saa : c’est une routine qu’il a fini par réussir à installer … et il a mis des semaines voire des mois à comprendre comment ça marchait, alors c’est pour ça que c’est récent … Ne remercie pas « ta copine », c’est tout naturel, il l’a déjà dit je crois, faut suivre, la prof, faut suivre !
Sinon, tu es beaucoup plus drôle que Jean-Paul Dubois, et presque autant qu’un autre … et ça fait quoi si on décide finalement de se marier avec un Monsieur Da Silva qui ne fait cela qu’à ses moments perdus ? … ça risque de durer encore plus longtemps, c’est ça ? … mais j’en connais un qui est spécialiste des superbes salles de bains, en teck et tout et tout, avec des baignoires de pétasse incroyables … ça fiat rêver, quand même … Bon, c’est pas tout, mais ma chambre, elle est où, dans ton spacieux nouvel appart ? parce que quand même, quand on sera passés par Vegas, faut bien de temps en temps que j’habite chez toi, non ? !
Tu faisais une collection de bouteilles de pipi?
Tu avais une période uro? :blink_tb:
C’est drôle cette coincidence !! Le responsable de ton « pipithon » a refait la cuisine de l’appart’ que ma famille a vendu au celebre animateur au nom de lessive !! Aux dernières nouvelles, Ouizmannnee n’a pas eu le loisir de « pipiter » dans de belles bouteilles lui ! Moralité, il n’y a vraiment pas de quoi se pisser dessus face a une telle injustice entre « pipi de riche » et « pipi de pauvre » !!
palpitant récit et toujours superbement écrit !!!
bises