Mais qui est donc« Ugly Betty » ?
C’est un peu moi, les poils en moins (voir plus bas).
Betty Suarez est avant tout l’héroïne d’une nouvelle série produite par ABC et Salma Hayek. Ugly Betty est la récente adaptation américaine de «Betty la moche», une télénovela mexicaine. TF1 diffuse actuellement la très mauvaise version allemande nommée « Le destin de Lisa ».
Betty est supposée moche et grosse. Elle porte un appareil dentaire moyenâgeux, ne s’est jamais épilée et s’habille dans les vieilles friperies du Queens. Elle a toujours rêvé de travailler dans l’édition et postule pour la place d’assistante de Daniel Meade, rédacteur en chef du prestigieux magazine Newyorkais « Mode ». Elle se fait finalement engager par le propriétaire du journal, le père du jeune rédacteur en chef qui ne pense qu’à se taper ses jeunes assistantes. Si le poste est confié à un boudin, Daniel pourra enfin se consacrer pleinement à son journal. Dès son premier jour de travail, Betty est scrutée, jugée, raillée par l’ensemble du personnel qui se doit d’avoir un indice de masse corporelle ne dépassant jamais 18 et surtout de se faire vomir après chaque repas.
Betty est d’origine mexicaine. Ses parents ont émigré clandestinement aux Etats-Unis. Sa sœur fait du porte à porte afin de vendre des produits de beauté de la société Herbalux. Son petit neveu Justin âgé d’une douzaine d’années, très sensible et future icône gay, est de son côté amateur de haute-couture, de comédies musicales et accessoirement de Barbra Streisand et de Martha Stewart. Il mouille littéralement sa culotte quand sa tante lui ramène des accessoires GucciGabana.
La trame, très basique, est très largement inspirée du Diable s’habille en Prada. Le Magazine Mode était initialement dirigé d’une main de fer par Fey Sommers, curieusement disparue dans un accident de voiture. Le poste de Rédacteur en chef est convoité par la cruelle Wilhelmina Slater qui tente désespérément de renverser le beau Daniel. Betty se retrouve rapidement au centre de toutes les attentions. On couche, on complote, le milieu de la mode semble très barbare. Mais on apprend vite que seule la beauté intérieure compte, que la guerre, c’est mal et qu’il faut aimer son prochain. Le côté acide et décalé des premiers épisodes se transforme petit à petit en guimauve fadasse. Les méchants ne sont plus antipathiques et on a du mal à comprendre pourquoi Betty reste dans ce nid de vipères, ne se fait pas épiler le dos et continue à se fringuer avec des habits immondes empruntés aux Vamps.
La cible est clairement la fameuse ménagère de moins de cinquante ans. Mais le thème permet de ratisser bien plus largement car chacun d’entre nous possède un petit complexe physique ou intellectuel et peut donc se retrouver aisément dans l’histoire.
Pour résumer, le petit oiseau fragile, sensible et humilié qui sommeille en moi s’est retrouvé dans Betty. Betty, c’est un peu roidetrefle (musique triste avec violons).
Jusqu’à l’âge de dix ans, j’étais un beau petit garçon blondinet aux yeux bleus. Beaucoup d’amis, une vie saine et équilibrée par une alimentation au grain et une activité sportive régulière. J’ai malheureusement commencé à me transformer en Barbapapa en rentrant au collège. Je ne me suis bien entendu pas métamorphosé en préadolescent obèse du jour au lendemain. Les kilos sont perfidement apparus en deux petites années. A douze ans, je pesais déjà plus de 65 kilos pour une taille ne dépassant pas le mètre cinquante. Personne ne s’est jamais soucié de mon poids à la maison. Maman rentrait vers minuit. J’étais donc seul en rentrant de l’école. Le soir, c’était la fête du slip. Je ne me préparais bien entendu jamais un repas normal. Je passais mon temps à grignoter en jouant dans ma chambre ou devant le poste de télévision. Je sortais rarement et n’avais donc aucune chance de me dépenser physiquement. Cette période correspond également à l’arrivée des premiers ordinateurs. Etre scotché à son Amstrad n’a guère arrangé les choses. Etre issu d’une famille qui cuisine au beurre et qui considère que l’embonpoint est signe de bonne santé non plus.
Je suis ensuite entré dans le monde magique de l’adolescence. Ton corps change, pense aux abeilles. J’avais déjà le cancer du cul et du bide et mon visage allait vite être recouvert de jolies petites pustules disgracieuses. On appelle ça avoir une peau grasse à problème. C’était sans compter sur un défaut de fabrication de l’émail de mes jolies ratiches. Mes goûts vestimentaires n’arrangeaient rien. Je suis resté longtemps adepte du pantalon en flanelle grise associé aux baskets blanches velcro et aux débardeurs en laine jaune poussin. Et la flanelle, ça boudine autant que cela démange.
Lorsqu’on ressemble à Barbidou, on a forcement très peu d’amis :blink_tb: . On se retrouve vite au fond de la classe à côté du radiateur. N’ayant pas un tropisme particulier pour les études, je ne pouvais malheureusement pas compenser mon handicap physique par des performances intellectuelles.
A la maison, c’était toujours le même refrain. Termine ton assiette. Il faut que tu grandisses. Mange. Ma mère ne préparait que des plats en sauce. J’avais l’impression de subir le sort réservé aux oies dans le Gers. Lorsque je partais chez mon père en vacances, j’étais certain de passer un séjour humiliant. Il ne s’est jamais lassé de me rabaisser : Mon fils est stupide et gros. Qu’ai-je donc mérité pour avoir une descendance pareille ? Lorsque j’avais ton âge, je faisais de l’athlétisme.
Renvoyer à un enfant une image dégradée est une façon cruelle de l’humilier. Je me souviens prendre à pleines mains les bourrelets de mon ventre et tirer dessus. J’avais envie de me mutiler et arracher ces maudites excroissances. Je détestais mon image. J’avais désespérément envie de maigrir mais je ne pensais qu’à une seule chose : me goinfrer de saloperies.
Les choses ont cependant évolué avec le temps. Sans m’en rendre compte, j’ai retrouvé un poids plus ou moins normal, inversement proportionnel à ma nouvelle vie sociale et à l’ouverture de mes chakras rouillés. J’allais bientôt rentrer à l’université, une nouvelle vie m’attendait. C’était moi la plus belle. Ce n’est curieusement qu’après la soutenance de mon doctorat que j’ai véritablement commencé à me prendre en main physiquement. Je me suis mis activement au sport, j’ai fait refaire mes dents et je fais désormais attention à mon alimentation. Cerise sur le gâteau, je n’ai plus une peau à problème (juste orange) et je ne perds pas mes cheveux. Depuis, je passe pour certains pour un ayatollah de la bouffe ou un accro du sport. Je m’en moque car il y a toujours une petite Betty Suarez au fond de moi qui me rappelle que la vie n’était pas si rose que cela il y a quelques années.
Et en ce moment, je cherche plutôt à grossir. Même si ma devise est toujours ventrecucuissetnichonfermes avec ma ceinture Slendertone, le plus important n’est-il pas de se sentir bien dans sa peau? Gros, moche, maigre, chauve petit ou grand. On s’en fout. Mais c’est vraiment très compliqué.
Sacrée Betty! :king_tb: