J’ai toujours eu un tropisme particulier pour l’écrit, et cela depuis tout petit. Si tout est bon dans le cochon, toutes les occasions sont également bonnes pour lire, ainsi que tous les supports. Bande-dessinées, romans, journaux. J’ai pris l’habitude de lire le journal quotidiennement bien avant mes dix-huit ans. Étudiant à la faculté, Je bénéficiait des distributions gratuites du figaro tous les matin avant de me rendre en cours. J’avais déjà acheté Libération en sortant de chez moi et rachetait le Monde en quittant l’université. On appelle cela une addiction à l’information. Le soir, après avoir passé des heures à lire mes bouquins de cours, je me replongeais dans des textes bien plus distrayants avant de m’endormir, le nez entre deux pages.
Mais revenons à la grande littérature avec un L majuscule. Après les plats qui font péter, après le caca, voici enfin un livre consacré à l’urine: « In Pipi Veritas ». L’écriture de ce petit recueil est parti de la constatation suivante: S’il est très rare d’entendre quelqu’un annoncer qu’il s’apprête à aller faire caca ou à lâcher une grosse caisse (sauf parfois à la maison entre amis très très très proches, et encore, ou bien en fin de soirée très arrosée ou un invité se décide à lâcher un majestueux pet flamme), il est assez fréquent de surprendre un proche annoncer qu’il souhaite aller faire pipi avant de partir. Selon les auteurs, le pipi a longtemps été considéré comme secondaire et bien moins digne d’attention que le caca (ce livre sort même après celui consacré aux selles). On a toujours pensé qu’il n’était qu’un liquide jaune sans intérêt, sauf peut-être les fans de Frank Herbert qui savent depuis longtemps qu’en portant une combinaison appropriée et en vivant en plein désert, il est possible de recycler l’urine en boisson énergisante.
Tout comme sont cousin consacré au caca, le livre s’amuse à décrire les différents types de pipi, chaque fois commenté et analysé par le fameux Docteur Colombin. On peut notamment trouver:
(i) Le vin chaud aka le bloody Mary, le grog framboise, l’eau écarlate ou encore la sangria: pisser rouge transforme brusquement les toilettes en bol de sangria.
(ii) L’eau vitaminée, aka le pipi B12, la vitamine Pi ou la douche fluorescente: La palette normale des couleurs de l’urine varie du transparent au jaune vif, mais il arrive aussi que l’on se trouve face à une urine d’un jaune fluorescent, voire d’un orange vif. Cette variante, naturelle en apparence, représente l’extrémité du spectre des couleurs, et sa luminosité peut obliger à porter des lunettes de soleil. Certains peuvent également être tentés d’éteindre la lumière pour voir si l’eau des toilettes se met à briller dans le noir.
(iii) Le lance-flammes, aka l’eau de feu, le jus de piment, la coulée infernale: Le lance flammes vous fera vous agripper à la poignée destinée aux handicapés, et chaque goutte d’urine sera payée d’une goutte de sueur sur le front. Cette atroce sensation de pisser du poivre de Cayenne ou des grains de sable peut amener le malade à éviter de boire pour espacer les redoutables visites aux toilettes.
Le pipicuzzi (mousseux blanc de blanc, le pipi cola (jus de purin ou Viandox), le pipi exquis (ondée céleste), le goutte-à-goutte ou enfin le pipilori sont également décrits.
Un dernier chapitre pourrait même intéresser un certain M qui devrait facilement se reconnaître: la plupart du temps, l’urine n’a pas d’odeur. Dans les rares occasions ou l’on sent quelque chose, l ne peut guère s’agir que de deux sortes de parfums: fruité corsé ou senteur d’œuf pas frais. Ce dernier cas est fréquent chez les mangeurs d’asperges. le méchant arôme d’œuf pourri provient des composés soufrés produits par la digestion des asperges. Ceux-ci passent ainsi du système digestif dans le sang et sont filtrés par les reins pour finir dans l’urine. Il suffirait d’ôter le bout vert des asperges avant de les manger pour échapper à l’affreux pipi puant.
Cerise sur le gâteau, une seconde partie est de nouveau consacrée au caca et une troisième au pet. Elle est pas belle la vie?
« In pipi Veritas » de Josh Richman, Anish Sheth et Tebo, publié par les éditions Glénat. A déposer d’urgence en évidence sur la chasse d’eau.
Retour rapide à la littérature de Gare: Nous avons certainement été très nombreux à avoir été traumatisés par un professeur de Français lorsque nous étions encore collégiens ou lycéens. Je me souviens encore de Madame R qui nous forçait en classe de seconde à lire systématiquement ce qui lui plaisait (hors programme) et surtout que ce nous n’aimions pas. Trop de littérature peut parfois tuer la littérature, et certains élèves n’avaient alors ni le recul, ni la maturité pour digérer certaines œuvres magistrales proposées par notre enseignante. Je me souviens particulièrement de deux ouvrages lus dans la douleur: (i) les annales de Tacite et (ii) les mémoires d’Hadrien.
Il m’arrive fréquemment d’errer dans les couloirs d’un agitateur culturel et d’acheter des piles de livres lus pendant mon adolescence. Je suis tombé par hasard sur le bouquin de Yourcenar il y a quelques jours et ne cesse de regretter d’être passé à côté de l’un des plus beaux livres jamais écrits.
Je suis touché et ému, et me délecte à chaque page.
Merci Madame R, même si certainement un peu trop tôt à l’époque.
*Est-il besoin de le préciser: Ce billet n’a pas été sponsorisé, comme tous les billets publiés sur ce blog, sans publicité aucune. Non mais. :blush2_tb:
Je vais encore faire montre de ma cuistrerie: j’ai essayé dix fois de lire les mémoires d’Hadrien. Elles me tombent des mains à chaque fois, rien à faire je ne dépasse pas les 20 premières pages. En revanche, je brûle de découvrir les mémoires de cet Adrien dont tu parles.
Ce qu’il ne faut pas faire, juste pour être le premier à laisser un commentaire chez roidetrefle, pffff…
Il y a des titres qui font saliver en imaginant le billet! Une fois de plus je ne suis pas déçue! Magistral!
Ce billet est dégoûtant, je suis une fois de plus affligée par le niveau de ce blog, mon petit roidetrefle.
A la collection,il manque le pipi bleu,provoqué par l’absorption de bonbons au bleu de méthylène,vieux classique des farces et attrapes.Généralement,après en avoir offert à la victime,on lui faisait part de l’arrivée d’une nouvelle maladie atrocement douloureuse,dont le premier symptôme était une miction couleur d’azur. :furious_tb:
Je partage ton enthousiasme pour les mémoires d’Hadrien,que j’ai eu la chance de lire,la trentaine passée. :thumbup_tb:
« Les mémoires d’Hadrien » sonT-elles cousines avec différentes espèces de pipiS ??? Toc ! :clap_tb: :jittery_tb: :furious_tb:
Un grand moment de littérature en perspective ! La scato-sociologie est sans limites. :blush2_tb:
« la plupart du temps, l’urine n’a pas d’odeur » :bye_tb: ????? :bye_tb:
Tu ne vas jamais dans les latrines ou les bordels pour vieux ? Moi non plus d’ailleurs, on m’a raconté :dunce_tb:
C’est un livre que j’ai lu juste après avoir eu ma fille, en 1985 donc 🙂 et que j’avais beaucoup aimé.
Et puis c’est vrai, je dis toujours « j’vais vite faire pipi ! » mais jamais au grand jamais je ne dis que je vais faire ……
Tu as dû te régaler !
Ah je ne connaissais même pas ce livre !
Merci roidetrefle !
J’ai lu les « mémoires d’Hadrien » l’année dernière et je ne peux que confirmer ce que tu écris.
Je suis allé faire pipi tout à l’heure et je ne peux que confirmer ce que tu écris.
Et pour le caca, tu m’as initié à un truc que je n’oublierai jamais :furious_tb:
Quelle connexion entre nos esprits 😉
En complément d’information…
Par convenance, là où tout fini, on m’a offert pour mon anniversaire : « Toilettes du monde » de Morna E. Gregory et Sian James. (je tiens à préciser que ne suis ni urinophile ni scatophile).
C’est un petit livre très intéressant sur les us et coutumes de nos semblables…
Mes toilettes préférées se trouvent dans un restaurant de Tokyo.
Lors de mes prochains voyages, je ne manquerai pas de faire un détour pour « visiter » certaines toilettes qui valent vraiment le détour…
Et donc, côte à côte dans la bibliothèque, les Mémoires d’Hadrien et les Mémoires de Vespasien!
(j’aime mieux les premières, je crois)
Pour moi, les « mémoires d’Hadrien », ce n’est rien d’autre qu’un magasin de déco assez prout-prout chicos à deux pas de chez moi !
… Bastoche, ou l’incarnation de l’inculture la plus crasse. :annoyed_tb:
Très fort de commencer par des revues et journaux, pour sombrer dans les latrines et ressortir par la culture de Marguerite Yourcenar !
Je ne peux que conseiller de lire aussi L’oeuvre au noir, qui est mon préféré de M.Y.
On dit qu’on va faire pipi en France, mais j’ai fini par comprendre, peut-être un peu tard, que dire dans un pays anglo-saxon qu’on va « aux toilettes » est déjà affreusement vulgaire ! Ils disent toujours « bathroom » ou « restroom », sans parler des fameux numboeur oane et numboeur tou…
Mémoires d’Hadrien lues l’année dernière, adoré, réconciliée avec la littérature aussi. Celui qui m’avait traumatisée et qu’on nous avait forcé à lire au lycée c’est les Confessions de Jean-Jacques, où il t’AGRESSE dès le prologue, alors que tu as rien demandé et que c’est même pas toi qui a décidé de lire son purée de bouquin… :king_tb: