La question suivante trotte dans ma tête depuis quelques semaine : suis-je un bon gros facho si je vote « non » lors du prochain référendum sur la constitution ?
D’après ce que je peux lire dans les journaux, ou observer à la télévision, je me rangerais du côté de la droite et de la gauche extrême si j’introduisais un bulletin “non” dans l’urne. Ainsi, les représentants du “non” ne seraient-ils issus que de l’extrême gauche, du parti communiste ou du front national.
Quid des représentants républicains modérés ?
Pourtant, je pense être un individu démocrate méprisant les extrêmes de tout bord. Si le fait de voter non faisait de moi un hors la loi démocratique, pourquoi le président Chirac, garant des fondements de notre République, prendrait-il un tel risque ? Souhaite-t-il renouveler le coup de Mitterrand en 1992, faisant passer par les urnes la ratification du fameux traité de Maastricht, ou le coup de la dissolution ratée de 97?
Maastricht a été signé en 1992 et est entré en vigueur en novembre 1993. Il a vraiment institué une Union européenne entre les 12 Etats membres de l’époque. Il donnait alors le vrai coup d’envoi de l’Union économique et monétaire, étendait les pouvoirs du parlement européen, créait une citoyenneté européenne et renforçait l’activité intergouvernementale.
On nous vendait ce traité comme nouveau traité fondateur de l’Europe après celui de Rome qui semblait bien évidemment dépassé. De plus, Maastricht officialisait le principe de subsidiarité. D’après certains, ce principe limitait le champ d’action des compétences de la Communauté à tout ce qui ne peut trouver de solution à l’échelon national. Ce n’était pas tout à fait le cas…
Comme abordé ci-dessus, Mitterrand a soumis à l’époque sous forme de referendum ce texte. Le “oui” était passé d’extrême justesse. On nous avait ressorti que l’Europe était désormais un havre de paix, que les inimitiés franco-germaniques appartenaient au passé, et que ce nouveau traité fondateur permettrait pour des générations de vivre dans une communauté prospère, équitable, juste et démocratique. Bref, nous n’avions pas le choix, il fallait voter oui, sous peine de passer pour un tueur de démocratie et de paix (groumpf!) sur notre beau continent.
Dix ans plus tard, l’euro a participé massivement à l’augmentation de l’inflation, nous subissons une crise économique profonde, et l’Europe s’est cruellement déchirée il y a quelques mois au sujet de la guerre en Irak. Sans compter le bordel provoqué par l’élargissement.
L’Europe est-elle responsable de ces maux? Bien évidemment non, et il serait populiste de penser le contraire. C’est assez réducteur et très général mais c’est cependant un fait, et tous les problèmes rencontrés participent à la montée du “non”.
Aucun traité ne peut bien entendu garantir paix et prospérité, et, si nous nous retrouvons dans cette crise économique, c’est multifactoriel, en partie à cause de la politique économique américaine et du dollar faible, mais aussi à cause du prix du baril de pétrole. Cependant, il y a quelques temps, on nous disait que si crise économique il y avait, c’était à cause de l’euro faible qui était responsable de la hausse des matières premières toutes payées en dollar…gné… ?
Je ne pige plus rien.
Vint ensuite le calamiteux traité de Nice, non ratifié par les urnes. Ce traité se limitait à fixer les principes et méthodes d’évolution du système institutionnel à mesure que l’Union s’élargissait. Le nombre de sièges au parlement européen des nouveaux états membres, le nombre de voix qui leur sera attribué au Conseil, et en particulier le seuil de la majorité qualifiée applicable dans le futur, allaient alors être déterminés juridiquement dans les nouveaux traités d’adhésion. Toutes les modifications apportées par le traité de Nice à la composition de la Commission et la pondération des voix ont été applicables à partir de novembre 2004 et la nouvelle composition du Parlement européen s’est appliquée à partir des dernières élections de 2004. Il fallait alors le plus justement possible se partager le pouvoir (et les sièges) dans la nouvelle Europe élargie. Tous les pays se sont déchirés pour avoir un maximum de pouvoir, et on a vu le résultat. Et là, on nous dit que la constitution a été souhaitée pour pallier au désastreux traité de Nice ou Français et Allemands se sont bouffés le nez.
Mais revenons à la constitution. Les responsables ont voulu harmoniser tous les traités ratifiés depuis Rome, et c’est plutôt une bonne chose. Mais cette proposition, après mure lecture, ne me semble pas parfaite, et de loin. En lisant ce texte, on a l’impression que les égalités et libertés si chèrement acquise ne sont pas la priorité des rédacteurs. Pourtant, si un texte ne semble pas correspondre à notre vision de l’Europe, sommes nous obligés de le ratifier coûte que coûte et faute de mieux ?
Ne pouvons nous pas demander de revoir la copie ?
Que va-t-il vraiment se passer en cas de non Français ?
Pourquoi proposer un référendum si l’on m’oblige à voter oui?
Pourquoi ne pas avoir proposé, comme en Allemagne, un vote par nos parlementaires ?
Sommes nous réellement obligés d’entendre systématiquement des phrases du genre « Je n’oublierai jamais la dernière guerre mondiale, ou la dans les Balkans, ou alors « le nationalisme, c’est la guerre. La diversité de l’Europe, que nous aimons tellement, a un revers, qui s’appelle le nationalisme »?
Depuis quelque semaine, j’ai l’impression de vivre dans une République Bananière ou l’on impose aux votants un choix. Matraquage télévisuel et radiophonique, envoi tardif du texte sans toutes les annexes, culpabilisation intense, assimilations douteuses (dans les deux camps), pressions de nos voisins européens et de Bruxelles.
Faut-il alors être taxé de xénophobe ou de passéiste, ou de faire le jeu des conservateurs britanniques ou américains dans le cas du choix du « non » ?
La question reste ouverte.
Je ne sais pas encore quel sera mon bulletin de vote.
C’est une chance de voter pour ou contre une constitution.