Ma grand-mère a passé quelques semaines au sein de sa famille, dans une vieille ferme située au sud de Provin. Nous sommes partis la chercher il y a une quinzaine de jours. Elle venait de fêter son anniversaire et était vraiment fière d’être la doyenne du village, village ou elle a vu le jour il y a quatre-vingt dix sept ans. Nous avons une nouvelle fois eu le droit à un repas de Sardanapale. Être assis pendant des heures à flinguer ses artères et à cultiver des escarres aux fesses ne m’enchante pas plus que cela. Le postprandial est généralement fatal, et longues sont les minutes à tenter de ne pas s’écrouler, la tête la première dans l’assiette à dessert. Qui n’a pas eu à lutter contre cette petite voix pernicieuse qui tente de nous convaincre que nos paupières sont lourdes. Plotch. Trop tard.
Afin d’entretenir son vieux corps, ma grand-mère s’astreint une promenade quotidienne. Qu’il pleuve ou qu’il vente, elle se force à sortir de chez-elle. Nous lui avons supprimé ses deux bicyclettes il y a quelques années. Qu’importe, ses jambes sont toujours en bon état. Elle doit constamment se prouver qu’elle peut vivre seule dans sa maison. L’indépendance est un luxe qu’elle a toujours privilégié. Nous lui avons proposé de l’accompagner pour cette dernière balade. La sensation fut étrange car chaque maison lui rappelait un souvenir. Elle parlait comme une petite fille. Papa, maman, Henriette, Anne, Cécile, tante collette et tous les autres. Elle parlait d’eux comme s’ils étaient encore vivants. Sa mémoire ne lui faisait pas défaut. Le moindre instant passé en compagnie de proches lui revenait en mémoire. Nous nous sommes ensuite arrêtés devant une petite ferme à colombages. Elle était toute émue de m’annoncer qu’elle était née dans cette petite maison, il y a bien longtemps. Nous avions devant nous une petite fille dans un corps de centenaire. La progéria, c’est vraiment la cata.
Quelques jours après notre retour, elle a pris rendez-vous avec son médecin généraliste pour un contrôle de routine. Elle souhaitait se rendre seule chez le docteur. Si nous ne craignons jamais de la laisser vivre seule dans sa maison corrézienne, l’idée de la laisser gambader dans Paris, à pied, en taxi ou en métro ne nous excite pas plus que cela. Elle redoutait quelque chose, mais il était impossible de lui faire cracher le morceau. Nous avons connu dès son retour l’objet de ses contrariétés. Elle souhaitait connaitre la probabilité qu’elle développe une maladie d’Alzheimer. Son médecin a souri et lui a expliqué ce qu’était une maladie neuro-dégénérative. Le cerveau est notamment composé de cellules, les neurones, qui servent à programmer certaines actions. Ces cellules ne se reproduisent pas et ne sont donc pas remplacées. Chez les patients atteints d’une telle maladie, des neurones disparaissent et entrainent de facto la perte des capacités associées. La maladie se caractérise par un déclin intellectuel progressif dont l’évolution dans le temps n’est pas prévisible, et d’une dizaine d’années en moyenne. En résumé, la probabilité qu’elle développe un Alzheimer à son âge est quasiment nulle. Mamie était donc heureuse d’apprendre la nouvelle. Elle revivait.
Pour le reste, tout allait bien. Les constantes biologiques étaient bonnes. C’était la fête du slip dans ses artères.
C’est fou. Elle allait certainement mourir comme presque tout le monde, du cœur ou d’un cancer. Plus certainement du cœur, car pour le cancer, à moins d’être plombée par une leucémie fulgurante ou un vilain cancer digestif, elle avait du temps devant elle. Elle était rassurée. Cette idée la faisait presque rire. En plein sommeil. Pan, tout en douceur. A moins qu’elle ne se fasse renverser par une voiture en sortant de chez elle.
Dingue comme les vieux peuvent avoir du recul avec la mort. :blink_tb:
c’est émouvant, sa visite du village de son enfance, et cela me rappelle ma propre grand-mère (décédée du cœur dans sa 98ème année…) qui se rappelait les derniers temps de tous les détails de sa maison natale, qu’elle nous décrivait par le menu, nous précisant où étaient rangées telles ou telles choses, etc !
Beau billet. Les parents s’inquiètent toute leur vie pour leurs enfants, mais les enfants ne s’inquiètent pour leur parents qu’en prena
Beau billet. Les parents s’inquiètent toute leur vie pour leurs enfants, mais les enfants ne s’inquiètent pour leur parents qu’en prenant sérieusement de l’âge. Tu en es à t’inquiéter pour ta mère-grand, c’est que tu as encore de beaux jours devant toi !
Comme vous parlez d’elle au passé, j’ai une pensée compatissante pour vous à tout hasard. En tout cas, joli billet, et très bel hommage à la force de l’âge, qu’il soit posthume ou pas.
Je nous souhaite ce recul quand on y sera…
Dis donc, quelle gamine, ta grand-mère !
La mienne est chiante et paniquée, donc tu vois, c’est aussi une question de tempérament.
Je crois que tout dépend de la vie qu’on a vécue, en fait … Plus tu as de regrets, plus ça doit être pire, je pense … Si tu es détaché, et satisfait de ton vécu, le lâcher-prise va de soi …
Enfin, c’est qu’une impression, parce que j’y suis pas encore, hein .. !
J’envie sa longévité et sa forme
Délicieuse grand-mère qui me fait repenser à mon propre grand-père !
Merci pour ces souvenirs si doux.
Passez un bon dimanche !
Délicieuse Grand-mère facétieuse que je t’envie !
Dans le genre, ma maman, 81 ans, qui, quand ses genoux la font souffrir, plutot que prendre des comprimés préfère aller à la pêche aux coquillages…. la super forme pour ces super mamies! Aurons-nous cette chance de bien vieillir?
Et puis, la longévité, paraît que c’est héréditaire, mon choupinet….
J’aime bien les histoires de famille (celles des autres), comme celle-ci.
Ta grand-mère a l’air d’être quelqu’un de merveilleux et je te souhaite encore de précieux moments avec elle, avec toute sa tête et sa santé.
Profites-en bien, tout le monde n’a pas cette chance :bye2_tb:
A mettre cruellement en regard avec le livre de William que je viens de terminer, n’est-ce pas …
C’est plutôt ProvinS (oui, j’ai grandis par là).
Je suis jaloux de toi… J’aurais aimé avoir une grand mère comme la tienne. :annoyed_tb:
@ saperli: Jolis souvenirs dis moi. :blush_tb:
@ Sameplayer. Oui et non. Lorsqu’on commence à prendre soin de ses ascendants comme ils ont déjà pris soin de nous, ça sent un peu le sapin. :bye_tb:
@ Leto: Ouf, toujours vivante. :clap_tb:
@ Anne: Si on y arrive, hein! :thumbup_tb:
@ Manue: Je pense que si j’arrive à son âge, je serais complètement flippé du bulbe. :blink_tb:
@ Quido: Ah si j’étais certain de vieillir comme elle… :blush_tb:
@ Oïnkari: Merci à toi Oïnkari. :jittery_tb:
@ Fauvette: j’en profite tous les jours. :thumbup_tb:
@ Saa: Pas certain. Nous allons tous mourir de la grippe porciiiine!
@ Lancelot: Ouh, je croise les doigts! :laugh_tb:
@ Paperblank: Merci Paperblank. :jittery_tb:
@ Manue bis: Oh oui, grand contraste. :mad_tb:
@ mich: Un point pour toi. Ce n’est pas la première fois que je fais la faute. :clap_tb:
@ Ditom: je te la prête. :king_tb:
‘tain même ton blog me ramene au boulot!!!
Si toutes mes maies etaient comme la tienne(oui car moi j’en ai 90!!), je serais moins fatigué en rentrant chez moi le soir. Bises à toi et à elle.
« Et puis à un moment donné, j’ai compris ce qui se passait : c’était plus mon père que j’avais en face de moi, c’est comme si j’avais un môme, qu’il était devenu mon fils, que j’étais responsable de lui, que c’était moi le père, tu vois ? En fait, c’est ça, tu vois, on fait pas gaffe et puis un jour, on se réveille et les choses ont changé de place. »
Audiard