Il y a bien longtemps de cela, en 1991, mon meilleur ami de l’époque m’a proposé d’adopter un chat. Sa mère l’avait trouvé sur un bord de route. Il n’avait alors pas plus d’un mois. Sa famille d’accueil l’avait nommé Phobos pour deux raisons: (i) mon ami était dingue d’astronomie et (ii) le petit chat était plus que caractériel. J’ai bien évidement accepté la proposition avant d’en parler à ma mère. La messe était dite. Un chat n’était pas le bienvenu. Ma grand-mère me répétait même qu’elle ne remettrait plus jamais les pieds à la maison si un félin y séjournait. Je la comprenais. Pendant la guerre, son chat avait attrapé le typhus, était devenu fou et avait tenté de la défigurer en lui sautant au visage. Le sujet était donc clôt. Cependant, le petit-fils que j’étais était égoïste et ne pensait qu’à sa pomme. J’avais accepté sans demander l’avis de mon entourage, sans vraiment comprendre ce qu’impliquait l’adoption d’un chaton abandonné et non sevré. Dans mon imagination, un chat était tel que l’animal décrit dans les publicités Sheba. Une peluche toute bleue aux yeux dorés qui se frotte juste avant de recevoir sa pâtée, une douce machine à ronrons et à câlins. Oui et non.
Phobos arriva quelques semaines plus tard à la maison. Ma mère n’a pu refuser mon caprice. Il était alors impossible de résister au charme de cette petite chose si fragile, si mignonne. Les premiers jours furent ceux de la découverte. Phobos nous apprivoisait. Nous tentions de l’apprivoiser. Nous avons vite compris qu’il n’en faisait qu’à sa tête, même si toujours aussi adorable. Il a tout d’abord commencé à faire ses armes dans le dressing, puis a supprimé toute trace de vie végétale, même les cactus que ma mère affectionnait tant. Les répulsifs ne servaient à rien. Puis, bien avant de se faire castrer, Phobos a marqué son territoire un peu partout dans notre appartement. En résumé, il pissait dans toutes les pièces et se moquait des réprimandes. Non sevré, il ne savait ni miauler, ni mâcher la nourriture. Ma mère a rapidement fait un transfert affectif en le considérant comme un véritable membre de la famille. Il a rapidement su en jouer. Tous les jours, ma mère lui faisait cuire son poisson dans du lait et n’hésitait pas à le gaver de crevettes ou de crème Chantilly. Le postulat était le suivant: la nourriture pour animaux était mauvaise, nous avions accepté de nous occuper de Phobos, autant bien le faire. Les pipis intempestifs ont rapidement cessé. Phobos s’est transformé en un ravissant chat affectueux. En chat imposant également, le régime chantilly l’ayant fait grimpé à plus de dix kilos vers cinq ou six ans.
Ma mère avait raison. Il faisait partie de la famille. Lorsque j’ai quitté en 1999 le giron familial pour voler de mes propres ailes, je n’ai pas osé le prendre avec moi. Ma mère se retrouvait du jour au lendemain seule dans son appartement. J’ai rapidement compris que Phobos allait rapidement jouer son rôle d’animal de compagnie. Les années ont passé. Cinq ans, dix ans, quinze ans, vingt ans. Jusqu’au fichu mars dernier, où une saloperie de cancer l’a terrassé en quelques jours. J’aime penser qu’il a vécu heureux jusqu’au dernier moment. De mon côté, les dernières heures furent plus que pénibles. J’ai convaincu ma mère que nous devions le faire piquer. Des métastases pulmonaires rendaient sa respiration douloureuse. Nous avons pris un premier rendez-vous, puis un second. Je suis arrivé à la maison deux heures avant le grand départ. J’ai profité des dernières secondes en sa compagnie. Il a eu la force de grimper sur mes genoux. Il m’a regardé et s’est endormi. Je l’ai serré, embrassé, caressé. J’ai connement pris une dernière photo et ai enregistré un petit film de quelques secondes ou je l’embrassais les yeux bien humides. On entendait ses ronrons. J’ai appris qu’un chat ne ronronnait pas forcément de plaisir. J’ai appris qu’un chat ne fermait jamais les yeux en mourant. Je suis resté avec lui jusqu’au bout en lui tenant la patte. Il était parti. Je suis rentré à la maison avec une cage vide, les genoux en coton. J’étais triplement triste: il avait souffert, il me manquait déjà, et sa mort me forçait à tourner la page de ces vingt dernières années.
Très curieusement, j’ai reçu un appel d’un éleveur de Chartreux le jour de la mort de Phobos. Cela faisait quelques mois que je me renseignais sur les modalités d’adoption d’un tel chat. J’avais depuis longtemps envie de me relancer dans cette grande aventure mêmes si les premiers mois avec Phobos furent éreintants. Je tentais de me convaincre que je minimisais les risques avec un chat de race bien sevré. J’avais lu que les Chartreux étaient des chats très discrets qui ne miaulaient presque jamais et qui s’adaptaient très facilement en appartement. Je ne sais toujours pas pourquoi, mais j’ai tout de suite accepté de prendre en charge un chaton qui venait tout juste de naitre. Je me disais pourtant plus jamais. Je l’ai nommé Gusperimus Deimos, Deimos en clin d’oeil à la planète soeur de Phobos. Gus pour les intimes. Quatre mois plus tard, l’éleveur est arrivé un matin de Bretagne pour nous confier la garde de ce nouveau compagnon. J’ai rapidement été ému par cette peine boule de poils bleus, toute recroquevillée après plusieurs heures de voyage. Comme conseillé par l’éleveur, nous l’avons confiné à une pièce les premiers jours, puis lui avons laissé accès à tout l’appartement une semaine plus tard.
Gus s’est révélé être un anti-Phobos, même si phénotypiquement presque identique. Propre dès le premier jour, acceptant sa nourriture, ne miaulant jamais, et ne grimpant sur aucun meuble. Il fait ses griffes sur une barre en bois placée à côté de sa caisse. Peu téméraire, il se cache lorsqu’un invité passe la porte, mais vient nous rejoindre sur le canapé lorsqu’un risque potentiel semble écarté. Nous l’avons emmené cet été à la campagne. Ayant toujours été habitué au parquet, il posait maladroitement ses coussinets sur l’herbe humide, préférant se réfugier sur mes genoux ou sous une chaise. Le vent lui semblait également étranger. Il passait alors son temps à lever son museau, à découvrir de nouvelles odeurs et de nouveaux bruits. Un chat n’à qu’un seul maitre. Je pensais le devenir. Bien malheureusement pour moi, Gus a pris l’habitude de veiller en compagnie de Snooze. Snooze lui donne également à manger. De mon côté, je ne reste qu’un vulgaire prestataire de services, en étant notamment responsable du nettoyage de sa caisse.
Je n’ai pas oublié mon gros Phobos. Grobos comme l’appelait son frère.
Il m’arrive souvent de regarder les étoiles et de lui dire bonjour. Il a un petit frère maintenant.
Miaou.
Ah et puis aussi: @Embruns :thumbup_tb:
Ouiiiiiii! Il est tout mignon ton Gus! On dirait mon Elwë mais en moins bien :o)
Comme votre chat est mignon, j’aimerais beaucoup être à sa place et venir le matin dans votre lit frotter mon museau contre votre joue.
miaouuuuuuuu !
J’ai dû dire au revoir à une de mes 4 petites protégées la semaine dernière moi aussi. Un putain d’ostéosarcome avait commencé a attaquer ses poumons… 10 ans c’est court pour un chat 🙁
Comme je suis resté jusqu’au bout, et j’en pleure encore. Je comprends parfaitement ce que tu as dû ressentir… 🙁
@embruns est passé par là, et est reparti.
Je craque. Parce que ce billet est touchant (oui j’assume, chuis un garçon sensible) et pour les photos en particulier la dernière avec la position des papattes.
Qu’il est chou !! Certes il ne remplacera pas ton (tout aussi mignon) Phobos mais il aura la joie de te tenir compagnie (avec tout ce qui va avec : câlins, etc…) et prendre la relève pour très longtemps je te le souhaite 😉
Et ta mère a accepté que tu repartes avec Gus ? Moi je l’aurais kidnappé, il est vraiment vraiment beau ce chat !
C’est tout beau et tout mignon à cet age là… Mais maintenant mon chat de gouttière a 15 ans. Est obèse et diabétique ce qui signifie une piqûre d’insuline toutes les 12 heures. Des croquettes pour diabétique en quantité limité. Du coup elle a faim et miaule sans arrêt ou presque.
Elle est devenue potomane par peur de manquer d’eau suite à son diabète. résultat elle passe son temps dans sa litière qu’il faut intégralement changer tous les deux jours. Elle commence à devenir aveugle donc elle pisse à côté. La litière est donc posée sur des cartons empilés qu’il faut eux aussi changer régulièrement.
Bref les joies de la vieillesse. Mais je l’aime encore même si elle me rendrait un fier service en décédant rapidement.
:thumbup_tb: :thumbup_tb: :thumbup_tb:
Ah ben dis-donc! J’avais vu la dernière photo de Gus sur un de tes tweets. J’avais cru que c’était une peluche pas mal imitée. Me voilà bien étonné.