Alertes biologiques

Oelde est une charmante bourgade située au coeur de la Westphalie, patrie du Sulperknochen (oreilles, pieds et queues de porc, servis avec choucroute et purée de pois), du Töttchen (ragoût de tête de veau et cervelle) et des Rippchen mit Sauerkraut (côtelettes avec de la choucroute). Oelde est avant tout le lieu de résidence de deux enfants responsables d’une fausse alerte nucléaire. Les charmants bambins âgés de six ans avaient décidé de construire une centrale nucléaire à partir de restes d’ordinateur et du pictogramme radioactivité imprimé depuis un site internet. Abandonnant temporairement leur œuvre pour une pause Kinder Country, un passant à donné l’alerte. Un périmètre de sécurité à ensuite été établi, et les habitants ont été invités à rester chez eux. Finir le reste de ses jours à Guantánamo pour excès de créativité est un peu crétin.

Je me suis retrouvé dans une situation comparable il y a quelques années. Je revenais d’un séjour au Royaume-Uni. Mon laboratoire m’avait alors envoyé chez la perfide Albion apprendre à me servir d’une machine de l’espace censée m’apprendre plein de choses sur le sang de patients atteints d’une maladie pas très rigolote. Si le voyage aller se déroula sans embûche, le retour fut plus agité. Un douanier un peu zélé me demanda d’ouvrir le gros sac que je trimbalais avec difficulté. Ne pensant pas être en faute, je déballe son contenu et sors une grosse boite en polystyrène qui attire naturellement l’attention de mon nouvel ami. On me demande ensuite de l’ouvrir. Une fumée blanche a commencé à se répandre sur le sol. La boîte contenait de la glace carbonique (-80°C). J’ai automatiquement été mis en isolement, isolement prolongé après la découverte d’échantillons biologiques au beau milieu des bâtonnets de carbone. J’avais l’impression de revivre un passage de l’Armée des 12 singes. Mon dieu, je mettais l’humanité en péril. J’ai finalement été libéré avec interdiction d’ouvrir ma boite pendant le trajet, et accessoirement raté mon train pour Paris.

Quelques mois plus tard, j’ai eu la chance de me rendre en Israël pour un congrès d’immunologie. Mon ami François, qui travaillait avec moi, m’avait alors demandé de ramener un échantillon de ce que la France pouvait produire comme fromages (Epoisses, Camembert, Munster). L’un de ses amis Israéliens en raffolait et il souhaitait lui faire une surprise. J’ai naturellement choisi des fromages de caractère qu’une hôtesse vraiment très autoritaire et moustachue m’a encouragé à déposer en soute sous peine de m’interdire l’accès à l’appareil. Quelques jours plus tard, j’avais toujours en ma possession les échantillons. Je partageais ma chambre avec un collègue Bulgare qui s’est réveillé suite à l’ouverture du minibar dans lequel je les stockais. Il faisait chaud et je m’étais levé en pleine nuit pour boire. Une odeur de cadavre qui pique les yeux s’est rapidement répandue dans toute la pièce, nous obligeant à temporairement évacuer notre chambre. Les fromages ont terminé leur vie sur le palier du dit ami, malheureusement absent le jour où nous nous sommes décidés à lui apporter l’encombrant présent. C’était un midi, la journée était très ensoleillée.

Plus récemment, nous avons eu la bonne idée d’organiser un déjeuner fromage chez Bonum. Il arriva ce qui devait arriver: une bataille à la boulette d’Avesnes. Poignées de porte, claviers, combinés téléphoniques, lunettes des toilettes, interrupteurs, moquettes, tous contaminés en plein mois de mai par cette affreuse spécialité du nord.

Côté réactivité, les douanes françaises semblent molles du genou. Rien à voir avec la réactivité des autorités d’Oelde. Alors que les aéroports étrangers, notamment les britanniques et nord-américains, sont particulièrement psychorigides côté sécurité, la France semble faire exception. Un sac sur deux n’est pas correctement scanné. J’ai ainsi passé à l’insu de mon plein gré une grosse boîte de crème de marrons au nez et à la barbe d’un agent trop occupé à parler de la pluie et du beau temps avec son collègue.

En conclusion, la prochaine fois que je souhaite faire passer des échantillons biologiques à l’étranger, je les planque dans une grosse boite de crème de marrons.

Valable également pour tout échantillon radioactif, viral ou bactérien. :devil_tb:

5 commentaires sur “Alertes biologiques

  1. Ça me rappelle l’envoi par mon oncle et par la poste d’un Mont d’Or, spécialité fromagère dégoulinante du Doubs, en plein été. Le facteur avait été choqué et la voisine de mes parents aussi. :furious_tb:

  2. coucou roidetrefleman
    je m’en souviens de ton frometon odorifère
    les voisins ont tous cru qu’il y avait un chat crevé dans l’immeuble et ils avaient appelé Tsahal à la rescousse
    Félicitations à Snooze pour sa thèse
    Francois

  3. Les douaniers américains et anglais « particulièrement psychorigides côté sécurité » : certes, mais s’ils ne l’étaient que de ce côté-là ! Je me souviens de mon dernier passage par l’aéroport de Stansted en mars : AFFREUX. Plus désagréables et portes de prison, tu meurs. Et moi je ne transportais pas de Munster fermenté ni de germes du virus Ebola en éprouvette ! Alors bon, tatillons sur la sécurité, d’accord. Mais tatillons et aimables, c’est pas absolument incompatible, si ?

  4. @Tarval: c’est pourtant un fromage de pédé, comparé à la boulette d’Avesnes… :blush2_tb:

    @François: message transmis! :laugh_tb:

    @ Lancelot: il est vrai qu’ils ne rigolent pas avec la sécurité… :bye_tb:

  5. mais euh… c’est bon la boulette d’avesnes ! bien plus parfumé qu’un roquefort qui pique et qui est trop salé ! et pis c’est que du naturel…

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