(Ou la roue tourne, parfois)
A chaque période de ma vie correspond un groupe d’amis. J’étais très proche de François au primaire. Ses parents faisaient partie de cette vague d’immigrés espagnols arrivés en France dans les années soixante-dix. Mes parents l’avaient presque adopté. Nous passions nos vacances ensemble. Durant l’année scolaire, il descendait avec moi dans nos maisons de Bourgogne ou de Corrèze. L’été, il m’arrivait de passer plusieurs semaines avec sa famille dans un village perdu en Galicie. Je ne parlais pas un mot d’espagnol, mais les enfants se comprenant généralement très vite, je restais rarement dans mon coin et était très rapidement intégré. Nous formions un groupe de quatre ou cinq amis depuis le cours préparatoire. Habitant le même quartier, nous étions généralement toujours fourrés les uns chez les autres. Notre école n’assurant que les études primaires, nous avons naturellement été dispersés aux quatre coins de Paris à l’entrée en sixième.
L’arrivée au collège fut une transition importante. Je ne me rendais plus dans une école située à quelques mètres de notre appartement, mais je devais prendre les transports en commun seul comme un grand pour me rendre chaque jour dans un établissement situé non loin de la gare de l’Est. Le directeur de mon ancienne école l’avait chaudement recommandé à ma mère, qui ne souhaitait toujours pas confier l’éducation de la chair de sa chair à l’école publique. Le collège était catholique, sous contrat, et permettait même de préparer la confirmation et la profession de foi (Dieu que j’étais sexy en Aube). L’uniforme n’était plus obligatoire (nous étions dans les années 80) mais la directrice souhaitait harmoniser les tenues en obligeant chaque élève à revêtir en permanence une blouse blanche. Je me suis rapidement fait un nouveau groupe d’amis. C’était la fête du slip car nous arrivions à un âge ou les nounous n’étaient plus nécessaires. Cerise sur le gâteau, ma mère rentrait tard dans la soirée, me laissant ainsi tout le loisir de trainer avant de retrouver le domicile familial. Préadolescence oblige, j’ai commencé à me transformer en bambin œdémateux à cette époque, me retrouvant de facto membre du groupe des gros, têtes de turc à lunettes cul de bouteille et fagotés comme des pouilleux. Les séances de piscine du lundi après-midi étaient humiliantes. Rien à faire. Le chocolat et le beurre étaient mes amis et je les aimais. Le gras est parfois réconfortant.
Pchouit. Le lycée à été l’occasion de dégonfler partiellement. Mon adolescence à été très tardive (entre 20 ans et maintenant), les boutons d’acné aussi. Cette période fut une nouvelle fois l’occasion de faire de nouvelles connaissances. Nous avons formé un groupe de quatre amis jusqu’en terminale. Nous tranchions avec le reste de la classe, certainement plus adulte et mature que nous. Même si j’enviais une bonne partie de mes camarades qui restaient très populaires et faisaient généralement la pluie et le beau temps en classe, je les méprisais de me mépriser. La plupart était bien gaulée, ils avaient tous une petite amie, étaient sportifs et plus ou moins brillants. Ils sortaient dans des bars à la mode, organisaient des soirées, s’exprimaient comme des adultes, picolaient et fumaient des cigarettes et des trucs qui font rire. J’aurais donné n’importe quoi pour leur ressembler physiquement et avoir autant d’aisance. Le contraste était saisissant, entre leur virilité naissante et mon allure de poupon. Je n’avais même pas l’occasion de les épater par mes résultats scolaires, car je faisais partie des derniers de la classe, trop rêveur et pas assez motivé pour me construire un dossier en béton armé juste avant de passer le bac, bac que j’ai naturellement raté raz-la moule aux rattrapages, devenant ainsi la honte de la famille. On mettra cela sur l’absence de maturité. Ma seconde terminale fut formidable. Je n’ai jamais eu à travailler, ai obtenu des notes indécentes tout en passant mes soirées à sortir avec mon nouvel ami du moment. Il possédait une voiture rien qu’à lui, et m’a fait découvrir ce qu’était la vie parisienne, moi qui n’étais finalement jamais sorti de mon quartier. Premières clopes, premières soirées, premiers patins, premières amours. L’année se termina en beauté avec le bac en poche, un premier job d’été passionnant, une petite amie inscrite en médecine, et des débuts à la faculté de pharmacie.
J’ai rapidement retrouvé un nouveau groupe d’amis à la faculté, groupe que je n’ai jamais quitté. C’est ma nouvelle grande famille. Je vis depuis avec Snooze, suis parrain de la fille de Cécilou, et me retrouve toujours avec plaisir en compagnie d’une dizaine d’amis très proches et soudés. Nous avons globalement tous réussi notre vie privée et professionnelle. Sans compter sur la troupe de doux dingues rencontrée à l’INSERM, mes amis de chez Bonum et la joyeuse troupe de pédéchouchous habitant à quelques minutes de chez nous. J’ai également retrouvé via un site communautaire l’un de mes amis de lycée qui est devenu enseignant après son doctorat. J’ai également découvert qu’un autre ami avait réalisé son rêve d’enfant en participant à une longue mission scientifique en Terre Adélie. Je suis donc très fier de mon parcours et des leurs. L’important n’est-il finalement pas l’instant présent et la satisfaction de s’en être finalement bien sorti dans la vie, même si tout ne fait que commencer. Je me sens bien in et ex petto. Si ce n’est pas le bonheur, cela y ressemble.
J’avoue cependant avoir de petites d’énormes érections (voire être sujet à de légers orgasmes) lorsque d’anciens camarades de classe (maintenant trentenaires) ayant passé leur scolarité à me chier dessus tentent de me contacter via « Facebook » ou « Copains d’avant ». Je me rends le plus souvent compte que mes anciens amis ont le crâne bien dégarnis, l’air triste et fané, sont bedonnants, déjà divorcés, employés précairement, et surtout assez seuls et désespérés pour contacter des has been dans mon genre. Ma réponse est donc invariablement la même. Je leur indique que la période de ma vie à laquelle ils font référence est loin d’être inoubliable, et que je ne me souvenais pas d’une quelconque amitié ou complicité entre nous. Je ne suis pas rancunier, mais je suis loin d’être amnésique.
Un peu pute mais tellement bon. J’en souillerais presque ma jolie culotte Moncler de les voir dans un tel état de décrépitude morale et physique.
Je ne reçois généralement par de courrier électronique en retour. Étrange, non ? :bye_tb:
Avec toi, Facebook a du souci à se faire ^^.
«Je ne suis pas rancunier, mais je suis loin d’être amnésique.»
J’aime bien.
Moi j’ai du mal à refuser à de pauvres hères revenus de lointains passés de se connecter à mon profil Linkedin. Ils sont souvent laids, bien sûr, mais faut-il pour autant supprimer les gens laids ? Je m’interroge.
Pour avoir fait partie du club trop ouvert des pas populaires, des moches, mal habillés et acnéiques patentés, je souscris à 300%. Mais étant un saint, je ne me réjouis presque pas d’avoir croisé une ancienne camarade bouffie, grasse comme une oie flanquée de trois mômes insupportables…
Moi aussi, j’aime ma vie.
Tu fais bien. C’est quand même un des rares luxes gratuits, de nos jours, de dire honnêtement ce qu’on pense, bordel 🙂
Ce serait une idée géniale de série ton truc: genre je reviens pour me venger de tout ce que vous m’avez fait subir avant…
Comment ça ça a déjà été fait? :blink_tb:
Ah je vois que tu n’as pas eu ma chance à moi; j’ai toujours été le 1er de la classe, j’ai roulé une galoche à madame Laveau prof d’histoire-géo en 3ème, et c’est moi qui sautais du plus haut plongeoir à la piscine sans perdre mon maillot tellement j’étais bien gaulé.
Mais comme toi (et c’est notre seul point commun) je refuse les moches qui veulent être mon ami :clap_tb:
@ Polyphème : c’est donc toi, Saint Pol ?… Saint Pol en massage, ça fait du bien là ou ça fait mal.
Krrrr krr krr :laugh_tb:
Toi moche?…. Nooon, c’est impossible!
En ce qui me concerne, juge par toi-même de ma popularité: rousse (dessinée comme ça!) à une époque où c’était loin d’être à la mode!!! mais je ne peux même pas me venger: je n’ai aucun souvenir de ces filles! J’imagine que maintenant elles se teignent (sans jeu de mots!) en… blond vénitien? beurk!
Ahhhhhhhhhhhhh je crois qu’il y a confusion. Je ne refuse pas de prendre contact avec « les moches » (le critère beauté étant vraiment très subjectif), mais juste avec les connards et les connasses qui ont flingué une partie de ma tendre adolescence.
Si l’un de ces crétins était mister univers, miss Picardie ou premier ministre de Tasmanie, il aurait le droit au même traitement.
@ JM: Les filtres sont très utiles sur Facebook. :bye_tb:
@ Alice du fromage: Je tiens cette citation de Jacques Chirac. C’est ce qu’il pensait de Sarkozy et de Balladur suite au putsch de 1995. J’aime bien l’employer. :jittery_tb:
@ Sameplayer: Mais non, bien entendu, et je suis très certainement dans la catégorie gros thon pour beaucoup. Juste les méchants qui surgissent du passé. :clap_tb:
@ Polyphème: Ouais, vive nos vies! :furious_tb:
@ Anne: Et puis quoi encore. Et quand ça fait du bien, pourquoi se priver? :annoyed_tb:
@ Ditom: Je ne vais pas jusque là. Quoi que je pourrais m’inspirer de la série Dexter, les découper et les balancer dans la Seine. :annoyed_tb:
@ MarcelD: Tu faisais donc partie des populaires? Salaud, on aura ta peau. Mais une fois encore je ne me permets pas de refuser un amis en l’appréciant sur son physique. Juste parce qu’il était un sale con, hein? :happy_tb:
@ Al West: Excellent! :king_tb:
@ Saa: Si, j’ai tout plein de photos. Et j’ai bien l’impression que les rousses ont toujours plus ou moins été à la mode. Tu ne veux pas nous montrer une photo de toi en pinup avec ta célèbre culotte Moncler, c’est ça? :bye_tb:
Huhu ! rien que pour me permettre ça, j’ai presque envie de m’inscrire sur fesses-bouc ! moi qui y résiste encore je dois perdre quelques grands moments de félicité
Un peu pute mais tellement bon, je ne suis pas d’accord. S’ils étaient cons, ils le sont probablement toujours. Revoir d’anciens cons n’a vraiment aucun intérêt, sauf, mais tu n’es pas assez méchant pour ça, hein? si tu peux vraiment leur faire payer ces années passées… ça, c’est pas mal du tout, quand tu peux lire dans le regard des gens, que… aaaaah, mais elle/il fait ça??? Mais c’est très amer, en même temps. Enfin je trouve. Ton attitude est super gentille.
Ben oui tu as raison, je ne vois pas ce que cela t’apporterait leur fréquentation. Bravo pour ta lucidité !
(Avec ou sans slip Moncler !)
Et n’oublie pas aussi tes blogamis !
toujours aussi bien disséqué, puis exprimé! du grand art!
Oh c’est vrai ça peut se passer comme ça après ?? Je sors (presque juste) du lycée, bon aller un tout petit peu plus, et ai encore la conscience nette d’avoir fait partie des non populaires, mais associé à la raison inverse de toi, curieusement (méga pas grammaticalement français comme phrase) : trop mature. Mais mal dans ma peau quand même. Alors tu me donnes un peu d’espoir et de raison de me dire que ça peut être drôlement bien après quand même :o)
:annoyed_la GALICE !!chère à mon coeur :thumbdown_tb:
La Galicie est une région de l’est de l’Europe!quelque part entre la Hongrie,Autriche,Pologne
Perso, je me demande ce qui motive ces personnes à reprendre le contact. Pour ma part, j’ai dans ma liste certaines connaissances de mon époque collège/lycée avec qui mes rapports étaient cordiaux sans être bouillants, pour autant, aucun des connards qui m’ont pourri la vie ne m’a recontacté et c’est tant mieux.
Mais j’imagine tout à fait cette pointe de jubilation que tu peux ressentir :clap_tb: