C’est en se plongeant dans la lecture d’anciens billets qu’il est possible de se rendre compte qu’un blog est souvent répétitif. Ainsi passe-t-on son temps à fêter les anniversaires en tout genre, décrire ses vacances ou présenter ses meilleurs vœux. Les mêmes mots sont souvent employés et il serait presque possible de copier coller les textes publiés d’une année à l’autre. Je me suis ainsi rendu, comme chaque année à la même époque en Corrèze, département du Limousin sauvé de l’abandon et de la désertification par des années de Chiraquisme. L’idée de passer quelques jours dans une ville triste et perdue, loin de toute civilisation (i.e. sans aucune connexion internet) me donne des ulcères. Ne pas savoir conduire une voiture me condamne à être dépendant du train et du car et m’oblige à consacrer une journée entière pour parcourir les cinq cents petits kilomètres qui séparent Paris de Bort-les-Orgues**. Bort-les-Orgues, ville fleurie de 3750 habitants située sur les bords de la Dordogne dotée de cinq médecins, trois chirurgiens dentistes, six kinésithérapeutes, trois pharmacies, un vertébropathe, un cabinet d’harmonisation énergétique et de biosynthronie*, Bort-les Orgues et son fameux barrage hydroélectrique de 120 mètres de hauteur, le château de val et son lac artificiel, plus grand réservoir à entérobactéries du massif central.
Mais encore faut-il se taper de nombreuses heures de train et de car avant d’arriver en Corrèze. Le week-end du 15 août n’est pas l’idéal pour voyager dans les meilleures conditions. Les wagons sont bondés et les voyageurs frôlent l’hystérie. Mon voisin côté fenêtre, certainement membre fondateur de la MICHFLAPI, a commencé à me parler de bourreaux périgourdins officiants aux Moyen-âge, du Saint-prépuce soi-disant ramené de Terre Sainte par de preux chevalier au XIIème siècle et du meilleur moyen pour construire une cabane dans un arbre. Mon voisin côté couloir n’a pas arrêté de discuter dans son oreillette. Je me suis aperçu en arrivant à Vichy qu’il n’avait pas d’oreillette et qu’il conversait avec son ami invisible. Enfin, le voyageur de derrière souhaitait se rendre à Saint Raphael et était apparemment monté dans le mauvais train. L’amateur d’histoire s’est finalement endormi contre mon épaule. J’ai évité de justesse un filet de bave coulant de sa bouche entrouverte. Entre temps, des bébés se sont mis à brailler et une odeur inconnue sur terre s’est répandue dans tout le wagon.
Contrairement aux autres années, le comité des fêtes n’avait pas organisé de soirée spéciale pour le 15 août. La tradition voulait pourtant que la ville accueille devant l’hypermarché Champion les recalés de la saison passée de la Star Academy. Michal, Arnaud (vedette de High School Musical à Disneyland Paris) et Mathieu avaient déjà mis le feu en participant au podium Aveze les années précédentes [1,2]. Je me faisais déjà une joie de voir Cynthia, Dominique, Elfy ou Marina (j’ai effectué une recherche google pour retrouver leurs noms). Seules les fameuses « dix heures du cochonnet Bortois de pétanque en triplettes » étaient au programme. Je n’ai également pas eu la chance de faire une grosse bise à Madeleine, pourtant en villégiature dans sa belle maison aux volets bleus à quelques kilomètres de là dans les hauteurs cantaliennes. Madeleine n’état pas encore en congés et j’étais de mon côté en plein mamy-sitting. Ce n’est cependant que partie remise, devant prochainement redescendre afin de récupérer mon chat obèse laissé en pension estivale. Le confier à ma grand-mère fut certainement une grosse erreur. Nous pensions tous que Phobos ne pouvait plus grossir. Nous nous sommes plantés. Ma grand-mère passe son temps à lui cuisiner de bons petits plats et à lui remplir de crème fouettée sa gamelle. Résultats : les douze kilos ont été dépassés début aout et le chat passe son temps à ramper entre son coussin et ses assiettes de nourriture, le ventre mou frottant contre le sol.
Mon dieu, mon chat n’est qu’une grosse limace obèse :blink_tb:
Ce petit séjour m’a une nouvelle fois permis de constater que la ville était bel et bien en train de crever. La cité radieuse des années 50 s’est transformée en mouroir. C’est un peu le jeu des chaises musicales. On se retrouve lors des enterrements et on compte encore les survivants d’une époque qui n’existe plus. La ville a pourtant de nombreux atouts, située au cœur du massif central entre Auvergne et Limousin. Sa situation est idéale, à proximité des grands barrages régulant la Dordogne et surtout des monts d’Auvergne et ses nombreuses stations thermales. Et pourtant. La construction du barrage a été une bénédiction à la fin des années 40. La région a connu un essor considérable et l’urbanisation a été massive. Il fallait vite loger les familles des ouvriers travaillant sur le site. De nombreux pavillons à l’esthétisme contestable ont donc été bâtis dans la précipitation et surtout sans aucun plan d’urbanisme. La construction du barrage a nécessité près de dix années de travaux de juin 1942 à mars 1951. De par sa situation géographique et la très grande capacité de son réservoir, il joue le rôle de régulateur et de moteur des autres usines hydroélectriques situées en aval sur la Dordogne. La crise économique initiée par les deux chocs pétroliers des années 70 a mis fin à l’âge d’or de la région. Les entreprises ont fermé une à une et la population a diminué de moitié. Les banlieues construites lors de l’édification du barrage ont été désertées et on ne compte plus les maisons vides en centre ville. Le cercle est vicieux. Une ville vide et triste, même parée de beaux atours, n’attire plus les touristes, seuls capables de sauver ce qui peut l’être encore.
Notre famille n’est pas originaire de Bort-les-Orgues mais d’un petit hameau situé dans le Cantal à quelques kilomètres de là. Nous possédions alors une maison de famille que ma mère a malheureusement vendue il y a quelques années pour s’acheter son appartement parisien. Je me souviens encore de cette vieille et grande maison auvergnate doté d’un gigantesque Cantou capable d’accueillir quatre personnes lors des longues soirées d’hiver, et surtout du grand jardin ou je passais mon temps à jouer. La maison était remplie de petits trésors cachés dans les malles et les armoires et j’aimais dormir dans les grands lits bateau des arrière-grands-parents recouverts de gros édredons. Nous avons choisi de nous séparer de cette maison car il n’était pas concevable de laisser vivre ma grand-mère seule dans un petit village loin de tout. C’est donc résignés que nous avons conservé la maison Bortoise, récente et sans âme mais cependant plus vivable pour une personne âgée.
C’est donc uniquement pour faire plaisir à ma grand-mère que je descends en Corrèze chaque année à la même époque. Mais si cette année aucune attraction n’était prévue face à l’hypermarché Champion, nous pouvions compter sur notre nouvelle voisine ressemblant étrangement à Marine le Pen. La véranda de notre maison était devenue un lieu hautement stratégique. Il était ainsi possible de mater la voisine bronzant nue les jambes assez écartées pour apercevoir ses trompes de Fallope. La situation semblait exciter son mari, qui, d’après la rumeur, la cocufie avec quatre femmes de la région. J’aurais dû inviter Fcrankounet, habitué à photographier les ébats amoureux de ses voisins parisiens.
Bort-les-Orgues serait-elle devenue ville de débauche et de luxure ?
*Probablement à classer dans la catégorie poubelopathe. :jittery_tb:
**Petite pensée pour Chiboum :bye_tb:
Joli récit.
Avant de descendre à Bort, consultez http://www.carnetdebort.org
C’est plus prudent.
Bien cordialement,
Patrick