Dans un très beau billet (un de plus) consacré à Garfieldd, Samantdi indiquait que l’homosexualité n’était pas un délit en France. Etre pédé, de nos jours, ne devrait bien entendu plus pas être considéré comme une tare ou une quelconque déviance sexuelle. C’est pourtant le cas. Et cela fait mal.
J’ai mal quand je lis le journal. J’ai mal quand j’apprends qu’un tiers de l’Assemblée Nationale signe un manifeste contre l’adoption d’enfant par les couples homosexuels. Ainsi, cent soixante-quatorze députés considèrent-ils qu’il n’est pas conforme à l’intérêt de l’enfant de permettre son inscription dans une filiation qui ne serait pas structurée sur l’altérité sexuelle des parents, et ce au risque de rendre sa généalogie incohérente et de l’exposer dangereusement à des difficultés d’identification et de structuration de sa personnalité. J’ai mal quand un pédé est immolé. J’ai mal quand un proviseur se fait virer pour une excuse bidon. J’ai mal quand des élus de la République manifestent en gueulant « les pédés au bûcher ». J’ai mal quand j’ai l’impression d’avoir moins de droits qu’un chien. On devrait castrer les pédés et ligaturer les trompes des gouines.
Je n’ai eu qu’un amour dans ma vie. Un amour exclusif. Un amour sans tromperie. Je n’étais certes pas un mec précoce Gnééé, mais j’ai bien fait d’attendre. Je suis tombé sur le bon et je suis certain de finir ma vie avec lui heureusement qu’il ne lit pas ces pages. Cela fait presque quinze années que cela dure. J’ai envie d’afficher publiquement mon amour pour mon compagnon. J’ai envie de le prendre par la main. J’ai envie de l’embrasser en public. J’en ai marre d’avoir une double vie. J’en ai marre de jouer au gendre idéal au travail. J’en ai marre de ne pas avoir le choix. Je suis schizophrène et je suis fatigué. Je suis fatigué et j’ai envie de crier que je suis malheureux.
J’ai envie d’avoir un enfant. J’ai envie de l’aimer. J’ai envie qu’il m’aime. J’ai envie de lui faire découvrir le monde. J’ai envie de le serrer dans mes bras. J’ai envie de le voir grandir. J’ai envie qu’il m’appelle papa. J’ai envie de partager de nouveaux moments de bonheur avec Snooze. J’ai envie que l’on me donne les moyens de bâtir une grande et belle vie. J’ai envie que mon pays ne soit plus à la traîne. J’envie les Espagnols, les Belges, les Canadiens, les Anglais et bien d’autres.
Hier matin, je courrais encore sur la coulée verte. Je pensais à tout cela. J’étais si triste. Plus j’avais mal, plus je courrais vite. Mon cœur battait rapidement. Mes chaussures heurtaient violemment le sol. Je tendais mes mains vers l’avant, comme si j’avais envie de frapper quelqu’un. J’avais envie de pleurer. J’avais envie de vomir. Je courrais de plus en plus vite. Il fallait que tout cela sorte de ma tête. Ma vie était merdique. Et rien n’allait changer.
De tels sentiments peuvent paraître insensés et déplacés. Peut-être. Je suis jeune. Je suis en bonne santé. Je n’ai pas à me soucier des factures en fin de mois. Mon boulot est passionnant. Je vis avec quelqu’un que j’aime. Oui je n’habite pas en Afghanistan ou en Iran, oui, les choses étaient bien pires il y a quelques années. Oui, il y a dans notre pays des personnes qui vivent réellement comme des animaux. Oui il y a des gens qui crèvent de froid dans la rue. Mais je pense avoir le droit d’être fatigué et d’exprimer le sentiment de dégoût qui me bouffe jour après jour. J’ai l’impression de vivre dans un apartheid social. Une société sans pitié pour les minorités. Dans vingt ans, tout cela paraîtra incroyable et inconcevable, c’est certain. C’est encore une fois le propre de l’homme d’en vouloir toujours un peu plus.
Et ce n’est pas en lisant le dernier billet d’un petit chaton mélancolique que mon moral va remonter. Merde.
D’un voisin, qui fait aussi du footing sur la coulee verte, et qui est papa?