La chose la plus excitante de la matinée de samedi était très certainement le lancement d’une pyrolyse dans la cuisine. Il y avait aussi l’émission d’Isabelle Morisset (ex- Karen Chéryl) sur Europe 1, écoutée en courant autour du lac de Saint-Mandé.
Coma profond tout l’après-midi. Il fallait pourtant être en forme. Nous avions rendez-vous avec le Docteur Nono et son Ro’Batar’ pour aller voir « Viol », adaptation de Titus Andronicus par Botho Strauss à l’Odéon – Théâtre de l’Europe, aux ateliers Berthier près de la place de Clichy.
Nono était en forme. Cheveux en pétard, casaque rose. Ro’Batar’ était souriant (il avait certainement oublié la soirée à la maison, hu hu hu). Les ateliers Berthier servent de refuge au théâtre de l’Odéon, en travaux jusqu’au mois de janvier 2006. L’endroit est austère, mêlant béton, acier et bois. Une « buvette » propose des assiettes campagnardes et des verres de vins. La scène est profonde. Les sièges sont plutôt confortables et disposés sur des gradins.
L’affiche était alléchante : Renaud Bécard, Christine Boisson, Xavier Clion, Laurence Cordier, Marie-Laure Crochant, Gérard Desarthe, Marcial Di Fonzo Bo, et l’excellente Marina Foïs. Vingt-deux acteurs et figurants allaient se relayer sur scène pendant près de 3h30. Je me souvenais vaguement de Titus. J’avais déjà assisté à une adaptation plus classique mise en scène par Daniel Mesguich, il y a une quinzaine d’année à l’Athénée.
Titus, général romain vaillant et héroïque ayant combattu les Goths revient en triomphe à Rome avec des prisonniers, dont la reine des Goths, Tamara, et ses trois fils. Prétextant qu’il obéit aux lois de sa religion, Titus offre un des fils de Tamara en sacrifice. Rhalala, grosse erreur. Saturnius qui vient d’être nommé empereur et Bassanius, son frère, veulent tous les deux épouser Lavinia, la fille de Titus. Mais Saturnius y renonce et épouse Tamara qui, elle, jure de se venger de Titus pour la mort de son fils. C’est en gros le résumé de la pièce de Shakespeare.
L’adaptation est très libre et crue. Botho Strauss a puisé dans le Titus Andronicus de Shakespeare de quoi tracer, en dix-sept tableaux, un portrait au couteau du « chaos contemporain ». Le premier, intitulé « les formes de la soudaineté », occupe à lui seul près d’un quart de l’ensemble. Il est vaguement question d’un programme immobilier, sécurisé par des cohortes de vigiles privés. On replonge vite à Rome. Titus entre en triomphateur, choisi de faire couronner Saturnin et se trouve précipité en quelques instants au plus profond de la disgrâce. Le second tableau, « Making-of », suspend l’action pour exposer les points de vue des comédiens et d’un metteur en scène sur la pièce. On est alors plongé en plein « Dossiers de l’écran ». L’histoire continue. De nombreuses libertés sont prises. La distribution est exceptionnelle.
La première partie est violente. Très violente. La scène de viol de Lavinia par les deux fils de Tamara est hyper-réaliste. Il y a eu un malaise dans la salle (vrai malaise, milieu du 5éme rand, 1h10 après le début de la pièce). Beaucoup de spectateurs étaient outrés. Ma voisine fut choquée. La seconde partie mélange horreur (viol et anthropophagie) et l’humour, grandiloquence et Grand-Guignol. Les acteurs jouent brillement (Christine Boisson rate quand même quelques répliques), la mise en scène est magistrale, et les décors très originaux et astucieux. Je n’ai même pas essayé de dormir. J’ai été captivé du début jusqu’à la fin.
Nous avons terminé la soirée à la maison. Nono et Ro’Batar’ ne sont pas restés très tard. Il étaient tous deux inscrits à la seconde édition des10 km Paris Centre et commençaient à courir à 10h00.