Je suis boulimique d’information. J’ai lu que cela pouvait être associé à une pathologie. Je lis le journal tous les jours depuis mes quinze ans. Lorsque j’étais à la faculté de pharmacie, nous recevions gratuitement « Le Figaro » tous les matins. J’ai commencé à me passionner pour les pages saumon et me suis même inscrit quelques années plus tard en DESS d’économie. J’aimais également les pages politique étrangère. Proust, Zola, Gide ou Mauriac avaient publié dans ce grand journal.
Distribuer gratuitement un journal est le meilleur moyen de fidéliser dès le plus jeune âge son lectorat (tout comme les invitations au « Carré Seita » alors glissées tous les mercredis dans ce journal le meilleur moyen de fidéliser les fumeurs étudiants). L’équipe du « Figaro Etudiant » l’avait bien compris. Seules certaines universités étaient sélectionnées.
J’ai cependant commencé à me désintoxiquer du Fig vers la fin des années 90. J’avais alors pris tardivement conscience des horreurs que racontait un chroniqueur, Max Clos. Ses papiers du vendredi étaient dégoulinants de haine et dignes de journaux financés par la droite extrême. Ce journaliste n’officie plus. Il est mort depuis quelques années. L’empire Hersant s’est ensuite effondré et l’entreprise a été rachetée par Serge Dassault, Maire UMP de Corbeil-Essonnes. Un industriel devenait une fois de plus propriétaire d’un grand journal (tout comme Libération et Edouard de Rotschild ou les publications Hachette et la famille Lagardère). Dassault a fait le ménage dans les publications de la Socpresse (qui comptait 70 titres, dont Le Figaro et L’Express étaient les fleurons) et le Figaro s’est transformé petit à petit en « jours de France », le journal des gens libéraux heureux. J’ai eu soudain honte d’acheter ce journal. Je me suis naturellement rabattu sur « Le Monde ».
Hier, j’ai craqué. J’ai racheté le Figaro. Le quotidien s’est transformé. Il a l’ambition de se rénover. La maquette n’est plus la même. Le code couleur a changé. On passe du bordeaux au bleu et on a l’impression d’avoir « 20 Minutes » entre ses mains. Mais surtout, et quelle révolution, la largeur a diminué. Il semble plus svelte. On s’approche plus des quotidiens anglo-saxons. La lecture est plus plaisante au premier coup d’œil. C’est plus clair. L’ensemble parait moins vieillot. Il y a plus de couleurs.
J’ai ouvert le supplément saumon. Chouette, il y avait même un long article sur un célèbre anti-inflammatoire commercialisé par une très grosse firme américaine. L’article parlait également d’autres produits, notamment de médicaments utilisés en oncologie. La journaliste indiquait qu’une firme se portait bien mal suite au retrait d’un médicament « indiqué dans l’oncologie » (cela ne veut rien dire du tout, au secours), soupçonné de provoquer des décès. Et que veut dire provoquer des décès sans parler un minimum de la pathologie et de la ligne d’administration ? Je pense connaître ce médicament. Il n’a pas été retiré que pour des problèmes de sécurité. Il n’était pas du tout efficace, un point c’est tout.
Comme quoi, s’ils ont bien changé la maquette du Fig, ils n’ont (pas encore) changé tous les journalistes.