Je me souviens de ce premier dimanche d’octobre. Il faisait beau. Nous avions rendez-vous à la mairie du XIVème arrondissement. C’était le jour du mariage de Marjorie et Jérôme. Snooze était témoin de Jérôme. J’avais refusé de participer à cette mascarade. Je traînais des pieds pour me rendre à la mairie.
« Nan, j’veux pô y’aller ».
J’ai répété cette phrase une centaine de fois. Snooze commençait à craquer. Nous étions beaux comme des camions. C’était la première fois que je portais un costume. Nous sommes arrivés (pour une fois) à l’heure et avons salué toute la petite assemblée. Nous avons commencé à rentrer dans la mairie. Je me suis immédiatement planqué derrière une colonne. Une jeune femme rousse s’est soudain approchée de moi et a commencé à me raconter sa vie. Je ne la connaissais pas, je ne savais pas d’où elle sortait. Je me suis discrètement dirigé vers Snooze et lui ai expliqué qu’une hystérique se collait à moi et que je ne pouvais pas m’en débarrasser.
Le mariage civil prononcé, nous nous sommes dirigés vers le bois de Boulogne. Jérôme nous conviait dans un restaurant situé sur une petite île. Un cocktail précédait le repas. Je n’avais pas mis mes lentilles. J’étais dans le brouillard et cela m’arrangeait bien. Nous nous sommes petit à petit rapprochés d’Alexandre et de sa compagne que nous ne connaissions pas à l’époque. Nous n’avions pas revu Alexandre depuis la faculté de pharmacie. Il n’avait pas changé.
Nous nous sommes ensuite installés à la table des mariés. Grand moment de solitude. La rousse hystérique était le témoin de Marjorie et était installée à ma droite. C’était Christine.
« Oh putain, c’est pas vrai me suis-je dit in petto en moi-même ».
Planté. Je m’étais planté. Nous avons fait connaissance et nous nous sommes poilés pendant tout le repas. Elle nous a raccompagné avec son tank suédois. Snooze en a profité pour lui proposer de participer à son émission de radio. Elle a accepté. Deux mois plus tard, Jérôme et Marjorie se sont séparés.
Christine est Suisse. Elle est repartie chez les Helvètes en début d’été. Tous ses amis étaient profondément tristes. La semaine dernière, elle est remontée sur Paris. Nous avions rendez-vous au Carpe Diem ce mercredi. Ses amis de la radio étaient présents. Elle avait coupé ses cheveux. Elle semblait nostalgique de sa vie parisienne. Christine n’est pas le genre de personne à s’apitoyer sur elle-même. Humour au troisième degré. Elle a commencé à nous raconter sa nouvelle vie. Nous avons poursuivi la soirée à la cantine des Ginettes armées dans la joie et la bonne humeur. C’est amusant. Je ne connais pas vraiment Christine. Je n’ai pas eu le temps de la connaître. Pas autant que Snooze. Cependant, elle nous a tout de suite adopté. Parfois, il ne faut pas se poser de question. C’est ainsi. Nul besoin de se connaître depuis des années pour se sentir complice et s’apprécier sincèrement.
Nous nous sommes séparés peu avant une heure du matin.
Elle nous a serré et embrassé très fort avant de s’engouffrer dans la bouche de métro.