Depuis janvier 2004, le comité « sauvons la recherche (SLR) » a appelé à 5 reprises à participer à des journées d’action. Ces journées ont toutes été des succès, même si, avec le temps, la mobilisation s’étiole quelque peu. Ainsi, les premières manifestations ont-elles permis de sensibiliser le public à la cause (précaire) des chercheurs. Ayant été temporairement dans cette situation (pendant quatre années quand même…), j’ai rejoint tous mes amis de l’INSERM et ai participé joyeusement aux défilés. Pour mémoire, j’ai gagné pendant 3 ans 6123,50 Francs (imposables) lors de mes années de thèse. J’avais pourtant énormément de chance de toucher mon allocation, de nombreux étudiants se retrouvant sans ressource. Cependant, pendant toutes ces années, j’étais conscient que ma carrière dans la recherche allait être très brève. N’étant pas à juste titre le dauphin désigné de mon grand patron, et les places se payant très chères, il me fallait trouver une autre voie, mais laquelle ? Et un jour de mars, le téléphone sonna et l’on me proposa un remplacement de congés maternité dans une agence de santé : ce fut la fin de mes années recherches. Je passais du côté obscur dans la pharmacie, avec néanmoins d’énormes regrets et la perte de ma liberté de penser et d’agir, vraies richesses de la recherche.
SLR appelle une nouvelle fois à se mobiliser aujourd’hui, vendredi 20 mai. Certains d’entre vous pourraient considérer que cette mobilisation ne se justifie pas: François Fillon ne vient-il pas d’annoncer un ensemble de mesures qui peuvent être considérées comme très positives par rapport au projet de loi sur la recherche ? Le gouvernement essaie de présenter ce nouvel appel comme une réaction irrationnelle de notre part. La réalité, c’est qu’aujourd’hui comme hier, SLR appelle à des actions lorsque le dialogue n’avance plus, alors que persistent des enjeux essentiels pour la recherche.
SLR reconnaît et salue sans réserve les avancées, résultat du dialogue avec le gouvernement, et de la pression exercée sur lui par la mobilisation et le soutien de l’opinion publique. Ces mesures, qu’il s’agisse des 6 milliards supplémentaires pour la recherche, ou des postes statutaires créés dans la recherche et l’enseignement supérieur, ce n’est pas rien !
SLR n’est absolument pas dans une optique de surenchère, mais est inquiet car des éléments qui seront déterminants pour cette loi demeurent cachés. En particulier, pourquoi le gouvernement s’obstine-t-il à refuser de dire, quantitativement quel sera l’équilibre entre les moyens de l’ANR (Agence Nationale pour la Recherche) et ceux des organismes de recherche et des universités ? Suivant la position de ce curseur au sein des 6 milliards, on peut avoir une croissance équilibrée des deux types de structures de financement, ou bien on peut avoir une catastrophe. En effet, si l’ANR croissait au rythme encore annoncé début mai par le directeur de cabinet de François d’Aubert pour 2006 (350 millions par an), alors cet organisme rapidement surdimensionné étoufferait les organismes de recherche : il deviendrait en 2010 la première source de financement pour les laboratoires de toute la recherche publique qui serait alors assujettie à un pilotage direct par le ministère. De plus, cette croissance aboutirait en quelques années à ce que la majorité des postes créés dans la recherche le soient sur CDD. Ce n’est pas un détail !
Autre point qui n’est pas un détail, et je suis bien placé pour en parler car je n’ai pas pu continuer dans cette voie: Quid du risque que les jeunes continuent à se détourner des carrières de la recherche. Pour enrayer ce processus, il faut non seulement les propositions qualitatives mises en avant par F. Fillon, mais il faut aussi y consacrer une masse budgétaire. Laquelle ? Personne n’a eu de réponse à cette question. Or il y a urgence. Ce n’est pas dans 3 ans qu’il faudra prendre des mesures énergiques dans cette direction. Depuis des années, le leitmotiv est « courage, fuyons ».
Courage car il faut du courage pour abandonner ses rêves. Fuyons, car la seule alternative est de migrer à l’étranger, étranger qui nous attend les bras ouverts (chercheurs bien formés par l’état français).
En une phrase, soutenons les chercheurs ce jour. A Paris, le rendez-vous est à 14h30 pour une marche de Port Royal au Muséum d’Histoire Naturelle (Gare d’Austerlitz).